Vigie, juin 2015

 

 

RETOUR À BEAUVOIR

 

 

Tout un long jour je m’affaire dans l’asphyxie de juin. Je tente de me frayer un chemin dans la jungle des notes. Je respire mal, je manque de souffle. Tout brûle. Je m’étouffe. Je maudis ce ciel blanc et ce grand beau temps qui a permis de faire les foins. Je rêve d’une cave tapissée de liège, d’un caisson hermétique qui mettrait à l’abri de cet air qui agresse… J’espère l’orage.

Ainsi certains jours de juin offrent-ils peu d’abris, si ce n’est peut-être l’apaisement des crêtes.

 

*

 

La montée vers Beauvoir comme toujours est superbe, et tellement émouvante. Je nous revois installés là-bas sur le balcon de notre ancienne maison, devant laquelle nous retournons pour la première fois depuis deux ans. Je nous revois réunis dans l’euphorie du grand retour après sept années de Guyane. Je croise le fantôme de Léo, petit bébé engoncé dans sa combinaison de ski comme un manchot en mue ; je le revois marchant à quatre pattes dans l’herbe auprès du chat Chadek. Je revois les bolets jaunes au pied du grand mélèze tout saupoudrés de neige… 

La branche brisée qui, il y a huit ans, tenait en équilibre sur une branche vive, n’a pas bougé (durable déséquilibre), mais la grange tombe en ruines.

Micheline est toujours là, qui s’occupe vaillamment de ses chèvres, de sa ferme.

Les enfants courent, tout à la joie des retrouvailles. Au soir tombant Stéphane joue du soubassophone (une sorte de gros hélicon parfait pour la fanfare), cependant que l’accordéon de Léo appelle l’orage et semble faire chaque fois sauter les plombs (il continue dans le noir, hilare, imperturbable – il n’a même pas changé de tempo). Je joue également, tant bien que mal, en tremblant, car mon cœur s’emballe…

L’orage est sur nous.

 

6 juin 2015

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