Notes du Pantanal

 

 

5.

Pousada Pluvial.

 

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Jeudi 13 avril.

Nous quittons vers 8 heures la pousada Rio Claro, en laissant tout ce que nous avions pu retirer comme monnaie. Forte migraine, soleil brûlant.

Le retour se fait d’abord en barque, un vol d’aras hyacinthe saluant notre départ. Nous retrouvons ensuite notre Gol, et passons sans encombre toutes les « flaques » de la Transpantanéira – si vite que nous arrivons dès midi à la Pousada Pluvial, où nous avons réservé deux chambres avant de partir. Sur la route, peu de bêtes ; quelques perruches au ventre blanc, de beaux hérons au masque bleu (maria-faceira – Syrigma sibilatrix), des martins-pêcheurs et de nombreux pêcheurs aussi. Marcher dans la chaleur et faire de la voiture m’est particulièrement pénible : je ne me suis pas remis l’excursion en VTT d’hier.

 

 

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La Pousada Pluvial est une vaste auberge plutôt cossue située au tout début de la Transpantanéira, au bout d’un chemin de terre sèche, dans une zone qui n’est pas inondée. Un paradis. Jabirus, ibis noirs, paysage de pâturages aux mille zébus et chevaux ; chambres chaleureuses, repas excellent que l’on prend dans une salle bondée, mais face à un des plus beaux paysages qui soit. Je m’effondre dans un hamac à l’extérieur, ravi et malade ; la migraine s’aggrave encore.

Pendant que les autres partent marcher, je vais m’allonger dans la chambre climatisée. Bien vite, cependant, on revient me chercher : jacarés, toucans toco et aras sont partout – pas question de rester dans le noir plus longtemps, et ce d’autant moins que nous repartons pour Cuiaba dès le lendemain. Je ressors, un peu groggy. Pics jaunes, vols de toucans toco (en voici une dizaine sur un arbre mort), gras caïmans le long du chemin que je m’applique à photographier pour faire passer la nausée – le spectacle est de toute beauté.

 

 

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Est-ce la migraine ou la beauté du spectacle qui me pousse à accepter cette promenade à cheval qu’on nous propose ? Toujours est-il que nous partons à cheval à travers les champs inondés, de l’eau jusqu’à l’encolure. Nathalie, qui est cavalière, ne risque guère de tomber, et le bébé en a déjà vu d’autres depuis le départ (on se dit qu’il deviendra cascadeur…).

La migraine transforme le début de la balade en calvaire. Mon cheval, en outre, semble préférer la nage à la marche, et n’obéit à aucune de mes injonctions. Lui et moi partons finalement dans deux directions différentes, lui, nageant, moi pataugeant, sous l’œil éberlué des Brésiliens qui, sans doute, dans cette région, n’ont jamais vu un aussi mauvais cavalier…

 

 

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Bientôt, nous quittons le marécage et le vacarme des sabots dans l’eau. Avancée enfin silencieuse dans le sous-bois. Des macaques au pelage clair nous attaquent. « Regarde, celui au-dessus de toi ! » – mais lever simplement la tête me donne envie de vomir…

Deux aras hyacinthe sont posés à un mètre de nous sur une branche basse : les chevaux n’effraient ni les oiseaux, ni les caïmans. Mal à l’aise sur le cheval et rêvant à moitié, je décide de descendre pour les photographier – provoquant instantanément le bruyant envol des psittacidés et la consternation des bipèdes.

 

 

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Retour plus assuré. Toucans toco, centaines de jacarés juvéniles dans l’écloserie de la pousada. Je me couche à 19 heures sans manger et ne me réveille que le lendemain matin vers 6 heures.

 

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Vendredi 14 avril.

 

4 heures du matin, les autres repartent sur la piste pendant que je dors encore ; ils observeront pour la première fois ce petit renard de Patagonie que nous mettrons un moment à identifier de manière certaine, et qui semble être ici assez commun. Encore groggy de la migraine d’hier, je marche le long de la piste et photographie aras hyacinthe et jabirus.

Nous quittons bientôt à regret la Pousada Pluvial, qui nous a permis de voir à quoi ressemble la saison sèche, et où nous aurions aimé rester encore un jour ou deux (mais l’avion qui doit nous conduire à la deuxième étape de notre voyage n’attendra pas). Nous repensons déjà avec nostalgie à notre aventure le long de la Transpantanéira – qu’un Québécois de la pousada, pourtant équipé d’un énorme 4×4, a renoncé à parcourir au bout de 20 kilomètres, effrayé par la crue.

Sur la piste, vers 8 heures, en plein soleil, juste devant la voiture, une loutre géante traverse à toute allure et disparaît de l’autre côté. Sa belle silhouette sombre sur fond de terre rouge s’imprime dans nos têtes. Comme le dit Sébastien (et le fait de le dire est aussi l’assurance de rendre véridique son propos), le mot loutre sera désormais associé à cette image-là, qu’aucune pellicule n’aura pu fixer.

Nous filons sur Cuiabá, où nous devons rendre la voiture et prendre l’avion jusqu’à Campo Grande. Animaux écrasés tout le long : loutre, grand fourmilier, caïman, tamandua, serpents – cela donne une idée de la concentration animale qu’il y a ici.

Nous roulons vite, la chaleur nous assoupit peu à peu.

Sensation d’enfance et de très grande vacance. Je rêve de l’enfant qui nous accompagne, silhouette sans forme, sans sexe, sans nom (Léo ? Élina ? ce sera finalement Léo…) et je me dis que le monde est encore beau et qu’il sera bon d’en offrir la contemplation à un nouveau venu…

 

 

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