Vigie, octobre 2019

 

 

 

L’échouage, le grand large

 

 

Vigie octobre 2019 02

 

 

 

« Le cœur qui dit d’une manière si timide qu’il ne peut

Aller plus loin dans cette vie destinée pourtant au grand large… »

Jacques Bertin

 

 

Dans le domaine maritime, l’échouage est une manœuvre délibérée consistant à laisser le navire se poser sur le fond de la mer, généralement en tirant parti d’une marée descendante.

L’échouage s’oppose à l’échouement, qui est, lui, un accident de navigation.

Wikipédia

 

 

 

Ballotté encore

entre la vie et la mort

l’échouage

et le grand large

on me dit que c’est la vie

moi je fais le mort

je ferme les yeux je dors

à en mourir je rêve

que je suis en vie

mais sans force je me laisse

balloter

entre le rêve et la vie

sans courage et bafouillant je

m’échoue

du sel plein la bouche je bois

des larmes et du rhum j’avale

des souvenirs d’ailleurs

oh la Guyane j’en rêve encore

et Madère et toutes mes îles

et toutes mes ailes

sans elles

sans ils

je tombe et je dérive

on me répète que c’est la vie

la dépresse

la détresse

le fond du fond de la cave où je ne creuse

rien

d’où je n’exhume

rien

que des lambeaux de roman ou de rêves

c’est la vie que j’efface

à force de rêver

du passé impossible

de l’impossible avenir

ça chauffe

ça tangue

ça brûle

ça explose

deux mots entre deux fous plus loin

et voici de nouveau la foule en fuite des pauvres gens

les larmes

les cris d’enfants

le vrai chaos

la pire violence

ça chauffe

ça brûle

ça tangue

c’est le monde entier qui se laisse

emporter vers le pire

et je ferme les yeux je rêve

encore et encore

à l’enfance d’un monde que je croyais meilleur

et puis

repris par le courant le flux de mots la vie

un matin je cogne du pied

je me redresse et reprends la parole car

« à chaque effondrement des preuves le poète répond

par une salve d’avenir »

tu parles tu parles – et pourquoi pas 

si le Malheur est l’avenir

notre « horizon » notre « vraie mère »

comme dans le poème de Michaux 

ça y est je vois reluire

un petit éclat d’or tout au fond de ma cave

c’est le soleil

qui fait briller les sax

je sors

je mords

à belles dents la pomme d’or

tombée de l’arbre mort

le beau fruit du malheur

je sors

je me sens fort et paré à nouveau

pour les pics et les crêtes

les vagues du grand large

mental.

 

 

 

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