Vigie, octobre 2023

 

Une grande joie nordique

 

 

Un vent, un grand vent nouveau souffle sur la vallée, très tièdement pour la saison, et l’on se sent comme transporté. Dix mille feuilles jaunes volent dans le ciel gris, que je balaie mentalement avec le grand râteau à feuilles que je transporte avec moi.

Car, oui, je me promène avec un râteau. J’ai décidé de ratisser les bogues pour éviter que la petite Nouchka ne se fasse mal aux coussinets, qu’elle a encore fragiles, quand demain on refera avec elle la promenade (Rimski n’a jamais eu droit à de tels égards, mais les nombreuses balades ont depuis longtemps durci ses coussinets alors que Nouchka a manqué de sorties). Il est probable que le voisin qui, en ce moment, me regarde nettoyer le sentier communal, se pose des questions sur ma santé mentale, et ce d’autant plus que c’est un travail considérable, mais qu’importe : il faut mettre un terme au scandale des bogues abandonnées sur les sentiers.

Le film de l’arrivée de Nouchka au Villard, de sa course au portail sitôt aperçu Rimski, de la scène de folie canine qui s’en est suivie, je voudrais bien pouvoir me le repasser en boucle. Le bonheur humain est déjà difficile à partager, que dire alors du bonheur canin ? Et comment le dire sans aboyer, rouler au sol, faire des cabrioles ? C’était à croire que ces deux-là n’attendaient rien d’autre que de se rencontrer. Un grand frère et sa petite sœur se retrouvant après une longue absence. La matinée a été lumineuse, au-delà de toute espérance. Nouchka est une petite boule de neige (et de boue après la balade) incroyablement joueuse et affectueuse, expressive et creuseuse aussi (ainsi qu’elle en a fait une démonstration à Rimski épaté).

Cette tonitruante visite m’a laissé déphasé, dans l’attente du verdict final qui est tombé un peu avant 20h30 : Nouchka sera bel et bien des nôtres, nous irons la chercher mardi 31 octobre à midi chez Tina en Haute-Savoie. C’est ce que je voudrais expliquer à la dame qui, me voyant ainsi affairé à cette tache absurde, hésite à passer. J’avance cependant, à reculons pour ne pas voir l’ampleur de la tâche. Les châtaigniers sont-ils menacés par le réchauffement climatique ? Personnellement, à cette heure, et que les sangliers, les geais, les écureuils et l’ensemble du milieu me pardonnent, je ne souhaite rien d’autre que leur complète éradication. Peut-être pourrais-je demander à Alain, l’employé communal, de passer avec son chasse-neige ?

Je débouche enfin sur La Martinette, avec derrière moi le sentiment du devoir accompli, et devant moi une grande joie nordique qui illumine la colline.

30/10/23

 

Ce contenu a été publié dans 2023. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.