Vigie, octobre 2023

 

Niels au Cucheron

 

 

Couleurs et brume d’automne, je repars sur le sol glissant à travers les bois du Cucheron pris dans le brouillard après les longues pluies du matin, en quête peut-être de trompettes, mais pour le plaisir surtout de Rimski qui a patienté longtemps. Le soleil de cinq heures traversant le brouillard éclaire les feuilles de chêne jaune vif. Cette plainte qui nous accueille, prolongée, flûtée, c’est l’appel du pic noir, qui me rappelle une des plus belles observations que j’ai pu en faire ici même, avec Élodie, il y a un an ou deux. De jeunes russules d’un beau violet et des amanites tue-mouche toutes neuves brillent au bord du sentier. Le tapis vert fumé du mois d’août a enfin laissé place à un bel ocre parsemé de vert ou de jaune. Un champignon violacé, tout craquelé, un instant me frappe d’un véritable effroi parce que je le prends pour une bête morte, une sorte de grosse taupe d’une couleur tellement douteuse qu’on ne peut que s’en inquiéter. Je photographie un moment les amanites, faute de trouver quoi que ce soit de comestible – hormis un unique cèpe, de toute beauté il est vrai, au col du Petit Cucheron.

Quand je fais demi-tour sur la piste forestière après un très long silence, les lumières se sont éteintes et comme il n’y a personne, je retrouve cette sensation de lointains que j’avais si souvent sur les pistes forestières en Guyane, un sentiment d’abandon, d’enfant perdu mais pas inquiet, nonchalamment mélancolique pourrait-on dire, et dans ce moment-là la paroi qui me sépare de mon personnage de Niels au temps du Fardellet est plus mince et plus transparente qu’une feuille de papier japonais.

20/10/23

 

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