Route, janvier 2015

 

 

 LA LUMIÈRE

 

 

La buse en quête de charognes ou de proies survole pesamment la voiture et la vallée encore blanche de givre, puis glisse le long de la ligne éblouissante de la Chartreuse. Juste en dessous du Pic de l’Huile la lumière crue frappe la pierre et les arbres dépouillés comme elle frappe aussi le visage du vieillard assis à la fenêtre d’une de ces maisons de village sans apprêt qu’on voit en bord de route. Il y a de la cruauté dans cette façon de révéler les rides, le crâne chauve du vieil homme et de la montagne, tout ce qui se défait ; mais il y a aussi une sorte de bonté dans le simple fait de pouvoir continuer à percevoir cette lumière par tous les pores de la peau.  

Dans le champ de Presle c’est le grand colloque des corneilles : il doit y avoir une cinquantaine d’oiseaux endimanchés qui se sont rassemblés là, sautillent dans le givre jusque sur la route et s’envolent mollement au passage de la voiture. Des corneilles noires dans un champ gelé : probablement l’une des images qui m’évoquent de la façon la plus parlante les sensations de l’hiver, avec ce que cela suppose là aussi de cruauté et de bonté.

Je croise Alain qui remonte la vallée dans sa C3 bleu ciel. Ici chacun plus ou moins se reconnaît aux voitures, ce que je suis souvent incapable de faire (je dois passer pour un goujat lorsque je croise sans le saluer un ami, un voisin, parce que je n’ai pas identifié sa voiture ni pu voir son visage…). Impossible cependant de rater la C3 bleue d’Alain. Au moment où je m’enfonce dans l’ombre d’Arvillard il doit être arrivé à hauteur des corneilles, au soleil de Presle. Je parcours en imagination avec lui le trajet inverse, descendant et remontant ainsi simultanément la route de la vallée…

Sur le terrain de foot gelé flotte, juste devant les cages, un fin filet de brume bleue. 

À dix heures toutes les maisons d’Allevard sont éclairées par le soleil d’hiver alors que la périphérie est encore prise dans un large demi-cercle d’ombre. Je me réjouis de travailler là-bas, dans ce beau bâtiment de bois tout baigné de lumière… 

 

13 janvier 2015

 

Ce contenu a été publié dans 2015. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.