Route, juin 2016

 

 

 

« L’HERBE À CHUTES »

 

Routejuin2016lherbeachute

 

L’orage a lavé les miasmes. Deux corneilles s’envolent entre les gouttes d’eau qui perlent au parebrise. Les géraniums des balcons semblent une offrande au soleil qui frappe, à travers bois, tout un parterre d’arnica jaune vif.

L’Arnica montana, c’est le plantain des Alpes. Ses vertus sternutatoires devraient en faire, à mes yeux et surtout à mes narines brûlées par l’allergie de juin, une ennemie ; mais je passe vite, fenêtres fermées, et ce n’est que sa couleur qui ce matin m’attire.

Elle est par ailleurs connue comme étant fleur « salutaire », et parfois nommée « herbe à chutes » − idéale pour soigner les petites plaies. En allemand on la dit (on la disait) « tueuse de loup », son aspect solaire passant pour contrer la force sombre symbolisée, pauvre bête, par le loup.

Il y a des images qui sauvent, qui enrayent la chute ou suturent les blessures sans qu’il soit forcément nécessaire de se les écraser sur la peau. J’ai grand besoin de ces fleurs jaunes, mais aussi de ce chat angora couché en plein milieu du champ et qui fait sa toilette, de ces perles de pluie sur le parebrise, des grands cumulus blancs qui bordent et prolongent la Vallée, du rouge des premières cerises qui ramène à une enfance douce, des roses évidemment, et de ces arbres morts où l’on s’attend chaque fois à voir la silhouette d’un pic noir, d’un pic ouentou, d’un toucan.

Sur la place centrale du bourg les travaux de reconstruction de la maison qui avait brûlé sont vraiment finis depuis qu’on a refait le trottoir. Odeur du goudron frais chauffé par le soleil.

Faire est bon, terminer excellent.

Traverser, s’arrêter.

Parler et se taire, regarder ou fermer les paupières.

Au-dessus d’Allevard deux parapentistes tournent en cercles de plus en plus rapides, dans le but manifeste de redescendre.

Chute paisible.

Petit vertige de juin, vertige de la fin.

 

8 juin 2016

 

Ce contenu a été publié dans 2016. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.