LA ROUTE PORTE-VOIX (1)
La route n’est pas un porte-voix, qui se resserre, qui étouffe. Tu auras beau chanter, beau protester, on ne t’entendra pas. Ta voix pourtant singulière, ancrée dans le réel et le rêve, ta voix sourde et vibrante, voix vivante et d’outre-tombe, voix d’ici tendue vers l’ailleurs, ne portera pas plus loin que le froissement de papier du rougequeue.
Passeur, passant anonyme, j’aurai chanté quoi qu’il en soit avec entêtement, pour les oiseaux et pour la route, pour la belette qui traverse au moment où je prononce ces mots, pour et contre la marche des saisons, pour mes fils ou le fantôme de ma mère, pour les fils auxquels je m’accrochais, pour tenir un cap.
Puis mon cricri de grillon se sera tu, pris dans les bruits de moteur, l’exubérance de l’été, la route étroite.
9 juin 2016