Vigie, mars 2021

 

 

 

Canicentrisme

 

 

Vigiemars2021 08

 

 

Des clameurs de plus en plus éperdues à mesure qu’avril pointe son bec ouvert. Les rouges-queues cette année sont arrivés d’un seul coup en grand nombre, comme si mâles et femelles avaient exceptionnellement fait le chemin ensemble (d’habitude les mâles viennent en éclaireurs, mais le froid vraiment hivernal qui s’est abattu sur le pays début mars a probablement modifié leur stratégie).

Ce matin je regarde la pleine lune décroître à l’horizon, les dômes blancs des crêtes se teinter de soleil, les remparts de la Chartreuse changer de couleur eux aussi. Le bon chien blanc est couché à mes pieds et regarde, lui, en direction des chevaux qu’on a mis dans le pré juste au-dessus de la maison et qui l’intriguent beaucoup.

 

Tout à l’heure Léo, considérant mon rapport à Rimski, a fait un parallèle entre le nouvel anthropocentrisme de la Renaissance et le canicentrisme obsessionnel de son père… Il est vrai que je suis souvent plus à l’aise pour parler de mon chien (qui n’est pas mon chien) que pour aborder d’autres sujets plus intimes, si doux qu’ils en sont indicibles – comme cette petite lumière à l’horizon qui n’est pas celle de la lune ni du soleil puisqu’elle me réchauffe à toute heure –, ou si terriblement durs – comme cette nouvelle de l’AVC de mon oncle, ou la peur grandissante de ces milliers de malades en réanimation ; je n’exclus pas que toute cette façon de parler d’autre chose et de regarder ailleurs ne soit rien d’autre qu’une manière assez lâche de me rassurer.

 

De la catastrophe humaine en cours le printemps se fiche pas mal. Sans avion le ciel est plus limpide. Loin des villes le merle noir n’a pas besoin de chanter à trois heures du matin pour se faire entendre, et patiente jusqu’à l’aube. Moi aussi je patiente. Je descends à la Cave pour jouer et rejouer « Asturias » sur mon accordéon. Le livre de la « plante carnivore » terminé, je travaille au deuxième volume que j’espère faire paraître en avril. Le prunier s’est couvert de dentelle blanche, les forsythias ont jauni, et je sais que tout à l’heure, dans le sous-bois, la lumière sur les jeunes pousses sera vraiment superbe…

 

 

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