Vigie, mars 2021

 

 

 

La Grotte

 

 

Vigiemars2021 10

 

  

Un jour j’ai été, comme tout un chacun, frappé par le malheur – frappé avec douceur, presque tendrement, de la paume d’une main veloutée, là où d’autres reçoivent des coups de poignard ou de crosse, c’est dire si je suis resté veinard. Je me suis réfugié dans ma Cave et, comme il y avait là un bureau où écrire avec ma plume en or, des accordéons noirs et trois ou quatre saxophones rutilants, elle est devenue ma « Cave d’or ». J’y ai douloureusement mais paisiblement élaboré tous les miels qui allaient me permettre de passer l’hiver, et d’en sortir un jour.

 

Le printemps est venu, je suis sorti et reparti comme naguère, et d’un assez bon pas, sur toutes sortes de sentiers : il me faudra plus d’un livre pour raconter cela ! Celui que j’ai suivi aujourd’hui en remontant le Nant m’a ramené à cet Abri-Mammouth (ainsi nommé parce que les enfants et moi y avons dessiné un mammouth il y a quelques années au retour de Dordogne) où je reviens tout le temps.

 

La Grotte-Mammouth, c’est ma Cave du dehors. Je m’y tapi maintenant en très bonne compagnie. Des silhouettes apparaissent en ombres chinoises, qui se découpent sur fond de forêt claire, des boucles sombres, un panache blanc, des mains et des pattes y dansent, c’est Chauvet ici, il ne manquerait plus qu’un bison à tête ou à corps de femme, les images tournent dans la grotte de mes rêves retrouvés et je ne sais plus très bien si je suis dedans ou dehors, ici ou ailleurs, hier ou demain, comme repris par la sensation étrange d’être le jouet d’une plaisante illusion, comme dans ces rêves où les visages, les prénoms, les saisons et les formes se mélangent – et c’est bien un rêve que d’être ici, d’être en vie et en si bonne compagnie, car ce mélange est bon à voir, bon à boire, bon à vivre, et je le déguste jusqu’à l’ivresse sans le moindre remords…

 

 

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