Vigie, mars 2021

 

 

 

Tout ce qui brille

 

 

Vigiemars2021 09

 

 

Comme ces photos de vacances qui laissent croire qu’on sourit tout le temps et qu’il ne pleut jamais en Bretagne, les textes sont trompeurs. Me voici, aujourd’hui encore, en ces derniers jours de mars, assis au milieu d’un grand champ sous un immense ciel bleu, la tête posée sur le ventre de mon chien. Je regarde passer les geais et les pics, j’écoute au loin les rumeurs des travaux, au près la clameur continue du printemps triomphant. Le moment est si heureux, si insouciant, qu’on se croirait dans un film animé pour enfants – quelque chose comme « Belle et Sébastien » ou « Heidi ». Une odeur de thym frais monte de la terre. Je mâchouille une feuille de sauge sauvage (qui n’a absolument pas le goût de la sauge officinale et me laisse dans la bouche une amertume banale). Un papillon jaune passe, que Rimski considère avec intérêt (il a coursé tout à l’heure son premier lézard dans les feuilles sèches). Là-haut les dômes blancs étincellent. Le tronc nu d’un petit pommier desséché fait une tache claire dans la clairière. C’est clair. Tout est clair. Mais ce qui prend encore le mieux la lumière c’est, personne ne s’en étonnera, le pelage de mon Samoyède au soleil. Il s’est levé et j’ai perdu mon support : il voulait voir les geais de plus près. Je le rappelle et constate avec stupeur qu’il revient…

 

Les textes sont trompeurs, disais-je ; il faudrait naturellement, pour faire bonne mesure, dire aussi tous ces moments où Rimski mord sa laisse et se roule sur le sol en refusant d’avancer, fait ses besoins sur le canapé ou le tapis de mon bureau après avoir été caressé, gratté, complimenté. Il faudrait dire aussi la difficulté qu’il y a à se faire obéir d’un chien indubitablement intelligent. Tout cela est décidément de peu d’importance en ces heures si douces de la fin mars où la seule chose qui importe est ce qui brille.

 

 

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