En-deçà et au-dessus
Jour de grand soleil entre des semaines d’averse. Ciel tout lavé d’un bleu intense. Je lâche Rimski dans le grand champ et le regarde sauter dans les herbes de plus en plus hautes, comme une sorte d’hermine géante mâtinée de kangourou. D’abord il trottine entre les boutons d’or, la tête haute, puis il passe au galop en utilisant toute la force de ses pattes arrière pour se projeter en l’air, retourner sur ses pattes avant, basculer à nouveau, et on sent que l’exercice lui procure un plaisir sans pareil. Hier son plaisir était de creuser son terrier jusqu’à disparaître à l’intérieur : il y a des chiens et des gens qui restent assis en surface ; et puis, il y a ceux-là qui veulent creuser ou sauter, voir ce qui se passe au-deçà ou au-dessus, ceux dont la vitalité exige une plus grande dépense d’énergie…
Voici que Rimksi à présent détend ses quatre pattes à la fois pour sauter presque sur place comme le font les enfants sur le trampoline du jardin. On dirait un enfant, ou un jouet détraqué. Il est difficile de savoir si c’est après les criquets, les grillons ou les mulots qu’il en a. Parfois, il semble bien viser une bête qu’il coince avec ses pattes, mais je ne le vois jamais revenir avec la moindre proie. Peut-être est-il simplement en train de gober ces criquets qu’on entend chanter à perte de champ, plus fort même que ne l’est la rumeur du Gelon en contrebas – car c’est leur jour, jour de soleil, et le Gelon peut bien attendre ce soir la prochaine averse, dont on voit déjà les nuages qui s’amassent à l’horizon…
Tout de même, le grand chien blanc, après un quart d’heure de courses folles, vient se coucher près de moi et fourre son museau sous mon bras, la langue pendante, le regard malicieux ; puis il recommence ses bonds, et l’on dirait cette fois un petit nuage fou lâché dans le pré sous le regard bienveillant des grands nuages immobiles sur la crête, tout là-bas, au-dessus de la forêt vert clair.
© Lionel Seppoloni, tous droits réservés.
