Vigie, juin 2021

 

 

 

Première fugue (comme le temps passe !)

 

Vigiejuin2021 02 

 

Partir encore un soir d’été à travers les herbes si hautes qu’on pourrait croire qu’on a rapetissé, même s’il me semble qu’elles étaient plus hautes encore, et peuplées de bien plus d’insectes, lorsque j’étais enfant.

Partir encore sur les traces du chevreuil et du cerf, en croquant du regard les scabieuses et les papillons blancs. Rimski mène la marche et m’emmène dans le bois, où le temps des morilles est fini ainsi que le rappelle une grosse russule. Comme il est troublant de vivre ainsi aux côtés d’un être pour qui le temps va plus vite, me dis-je en le détachant pour que nous puissions reprendre notre habituelle partie de cache-cache ; mais le voici qui part aussitôt, disparaît, me laisse seul. Un peu anxieux je remonte le sentier aux fougères qui est maintenant d’un vert estival. J’appelle Rimski, qui ne revient pas. Je marche à grands pas en vocalisant dans les aigus sur un ton de plus en plus plaintif, descends jusqu’au Nant dont le vacarme me semble hostile.

Je marche seul.

Toute l’exaltation du départ s’est muée non pas seulement en inquiétude mais en une vraie tristesse liée au constat que je faisais juste avant qu’il ne s’échappe : si, pour la première fois, mon chien s’échappe ainsi au lieu de jouer avec moi, n’est-ce pas que le temps a passé, que le chiot s’est transformé en chien adolescent désireux de faire lui-même l’expérience des bois, de courser quelques bêtes sans le contrôle de son maître ?… Le chien désobéissant du temps s’enfuit, et Rimski ne revient pas !

Puis le voici enfin, la langue pendante, dix ou quinze minutes plus tard. Je le flatte, le caresse, tente de jouer à cache-cache, mais je le sens ailleurs, préoccupé par cette possibilité qu’il connaît, désormais, d’aller seul voir ailleurs, et je me résous à le rattacher et à faire ainsi le reste de la promenade.

 

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