Vigie, janvier 2013

 

POUR QUE TOMBE L’ARBRE

 

 

Il suffit de si peu

pour que tombe l’arbre

que s’abatte le mal —

et voici l’homme en pleurs.

Il suffit de si peu pour que le cœur s’arrête

la plume s’arrête et

de le savoir (jamais assez)

 te condamne à la peur ?

Tu te souviens de ce jour où, enfant,

tu découvris la barbarie

l’innommable

l’impensable

l’impossible

l’horreur inatteignable

ces cadavres par pelletées emportés

que montraient les images du film de Resnais

et ta stupeur

ta révolte d’alors.

D’avoir vu cela et de le voir encore

avec une acuité bien plus vive aujourd’hui

te plonge dans une plus durable stupeur

dans l’impuissance ou

dans ce mutisme bavard par lequel tu tentes malgré tout

de circonvenir la souffrance et la peur

ô ce mutisme devant la page cette hébétude

que perce pourtant

comme le soleil d’hiver perce l’obscurité du bois

comme le cri de l’enfant perce le silence de l’hôpital

les bribes d’un chant de reconnaissance éperdue

de gratitude sans objet ou seulement pour

cela qui est

cela qui chante

cela qui danse et pour un temps emporte

le mal et la peur

te fait baisser la garde

et t’incliner

dans un geste réitéré de paisible

et souveraine

soumission.

2 janvier 2013

 

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