POUR QUE TOMBE L’ARBRE
Il suffit de si peu
pour que tombe l’arbre
que s’abatte le mal —
et voici l’homme en pleurs.
Il suffit de si peu pour que le cœur s’arrête
la plume s’arrête et
de le savoir (jamais assez)
te condamne à la peur ?
Tu te souviens de ce jour où, enfant,
tu découvris la barbarie
l’innommable
l’impensable
l’impossible
l’horreur inatteignable
ces cadavres par pelletées emportés
que montraient les images du film de Resnais
et ta stupeur
ta révolte d’alors.
D’avoir vu cela et de le voir encore
avec une acuité bien plus vive aujourd’hui
te plonge dans une plus durable stupeur
dans l’impuissance ou
dans ce mutisme bavard par lequel tu tentes malgré tout
de circonvenir la souffrance et la peur
ô ce mutisme devant la page cette hébétude
que perce pourtant
comme le soleil d’hiver perce l’obscurité du bois
comme le cri de l’enfant perce le silence de l’hôpital
les bribes d’un chant de reconnaissance éperdue
de gratitude sans objet ou seulement pour
cela qui est
cela qui chante
cela qui danse et pour un temps emporte
le mal et la peur
te fait baisser la garde
et t’incliner
dans un geste réitéré de paisible
et souveraine
soumission.
2 janvier 2013