Vigie, janvier 2013

 

BORDS DU GELON EN JANVIER

 

Au fond de la gorge étroite, rentré comme un chant ravalé, la voix de ce torrent engoncé dans la neige s’étrangle.

Au fond de cette gorge étroite où le soleil n’arrive pas, où la neige durcie ne fond pas, où les arbres nus, le pont couvert de mousse à la rambarde de fer rouillé et les anciennes baraques en ruine se disputent le douteux privilège de proclamer le mieux la fin de toute chose, la rivière chaque fois rajeunit quand même en la force nouvelle d’un jeune torrent nourri par la brusque débâcle de cet hiver imprévisible.

La chienne vieille surveille le jeu des garçons qui, à coups de talon, détachent et jettent dans les remous les blocs de neige et regardent avec étonnement cette zone de calme où la neige tarde à être emportée et coule lentement. Tout à leur jeu ils ne sentent pas le froid, l’humidité qui stagne ici.

Au-dessus du torrent, dans les dernières lueurs de cet après-midi d’hiver, on n’entend plus les forestiers occupés à tronçonner à grand fracas. Eux non plus ne sentent pas le froid, n’interrogent ni les ruines, ni les arbres nus ni la lumière. C’est là encore le douteux privilège de celui qui se met en retrait et regarde, ou du vieil animal aussi pris soudain d’une sorte de toux, de tremblement dû à l’âge (ou à l’impatience de poursuivre la route).

3 janvier 2013

 

Ce contenu a été publié dans 2013. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.