Route, mars 2013

 

 

LA NEIGE EN MARS

 

La neige cette année a été précoce, et tardive. Neige tardive. Lourde. De nouveau  décembre. De nouveau ça crépite. Les flaques, les feux de détresse dans le paysage blanc. Le corbeau qui fait des roulades à nouveau. Ce temps de corbeaux. En évitant une voiture qui roulait trop à gauche, on frôle l’accident. La roue s’enfonce dans le fossé enneigé, ça racle un peu puis ça repart sans dommages : il faut se méfier de ces retours. 

Que font en ce moment les rougequeues ? Que font toutes ces bêtes qui croyaient le printemps advenu ?

Ce matin le chasse-neige, essuie-glace en panne sous l’averse de neige, a arraché une partie de la route en même temps que la neige. En voulant pelleter la neige entassée dans laquelle il y avait finalement autant de goudron que de neige, j’ai cassé ma pelle à neige et n’ai pas pu dégager correctement le chemin de la maison. Maintenant je m’apprête à rentrer, et pense à ce qui m’attend là-bas. On pourrait s’amuser à ce jeu des conséquences funestes d’un incident d’abord mineur (les contes zen le font volontiers) : la voiture qui dérape, la fâcherie qui s’en suit, le divorce, la maison qui brûle, etc. On ferait mieux cependant de se concentrer sur la route couverte de branches cassées. Ce n’est pas du tout le moment de se raconter les histoires. 

Le long du mur noir trempée, maculé de mousse et de neige, on ne voit plus une seule primevère. Elles ont dû rentrer ? Je les retrouve un peu plus loin, pendant assez lamentablement. 

Les arbres alourdis par cette neige molle me bombardent de boules de neige d’une manière presque agressive. Sales gosses !

Brouillard très lumineux. Une buse épie. Je roule trop vite dans la neige fondue et je me fais peur. Ralentis aussitôt. On n’y voit plus rien. Brouillard et neige. La route est comme un rêve. On n’y voit plus rien. La neige des arbres encombre maintenant la route d’une nouvelle et fraiche averse pour laquelle le chasse-neige ne repasse pas. 

Curieusement c’est seulement en voyant l’image de ces arbres absolument blessés et de cette route pareille à une rivière encore à moitié prise par les glaces qu’une sorte de pressentiment déplaisant s’immisce dans l’observation neutre du paysage. Quand même ce printemps commence mal. Est-ce que les choses iront ainsi, de mal en pis ? Qu’est-ce que ça tait, qu’est-ce que ça dit ? 

 

17 mars 2013

Ce contenu a été publié dans 2013. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.