Route, mars 2013

 

 

LES PETITS DÉPARTS

 

 

C’est un tout petit départ sous l’averse printanière, simplement un peu plus tôt, avec la perspective de rentrer plus tard. Les essuie-glaces cassés font un bruit saccadé entre lequel la parole et la pluie glissent. Est-ce que c’est la seule attente de ce tout petit départ pourtant bien habituel, quoiqu’un peu plus matinal, qui a fait de cette nuit une assez laborieuse traversée ?  Ou bien l’image de la souffrance, toutes ces images de souffrance, cette petite fille enfermée dans sa souffrance, brûlée encore beaucoup plus à l’intérieur d’elle qu’à l’extérieur, murée, enfermée dans la brûlure de sa souffrance ? 

La pluie redouble. Il ne fait que quatre degrés et on n’est pas très loin de la neige. L’eau qui jaillit d’un tuyau d’évacuation évoque telle randonnée en montagne, autrefois. Je suis surpris de voir à quel point les images du passé remontent de manière systématique et font comme des fils d’araignée qui me relient à d’autres lieux, d’autres époques. Voici la passe aux biches, où ne passe nulle bête. 

Lu hier soir le livre de Georges Bataille sur Lascaux, et cette page si pertinente qu’il consacre à la place de l’animal dans l’art pariétal. De ce point de vue le traitement infligé à l’animal dans nos sociétés, cette mort industrielle qui semble ne poser de problème personne, est une des plus terrifiantes manifestations de l’oubli du sacré. Comment on a pu en arriver là, cela n’a presque plus d’importance. Ce qui compte : comment sortir maintenant de ce funeste et, je l’espère, assez récent faux pas ? (Sur ce point, le livre de Valérie Chansigaud L’homme et la nature, viendra ultérieurement apporter un éclairage impitoyable…)

La pluie redouble.

 

28 mars 2013

 

 

© Lionel Seppoloni, tous droits réservés.

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