Vigie, juin 2019

 

 

 

L’été

 

 

Cieldejuin2019

 

 

 

À six heures ce matin le bouleau émet un tout petit miaulement misérable : le chat Musique y est manifestement resté coincé toute la nuit, peut-être piégé par les corneilles rusées ou les pies vachardes qui le poussent à les poursuivre dans les arbres, puis l’attaquent ; il n’ose redescendre, gamin maladroit et piteux, qu’encouragé par la voix rassurante de son maître qui fait mine de grimper à son tour aux branches où, d’ailleurs, il s’installe finalement pendant quelques instants, savourant la douceur qui revient.

 

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La D207, où je conduis ce matin Clément à l’école, conserve sa double-fonction de facilitateur de mouvement pour le bipède mécanisé, et de garde-manger pour les oiseaux. Soudain, je freine vivement pour éviter une bergeronnette qui s’est posée pour, je suppose, attraper un insecte, mais elle passe sous la carlingue et je la vois voltiger dans le rétro-viseur. Au retour ne reste plus sur le bitume qu’une petite boule de plumes jaunes et grises ensanglantées, dont le souvenir jette un voile sur le reste de la journée.

 

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Ce qui émeut tant dans ce ciel de traîne où le soleil couchant fait une dernière percée, ce n’est pas la beauté des motifs formés par les nuages échevelés, ni les couleurs, ni cet avion dont la traînée blanche ravive des rêves de voyage ; c’est la conscience, la certitude qu’on a d’être arrivé à ce point de bascule de l’été, et peut-être de sa vie, où le froid et le brouillard vont laisser place nette au plein épanouissement de chaleur et de lumière de l’été : « un coup de dé, c’est l’été… », c’est ce que chante ce ciel-là, comme autrefois Vasca rouvrant les portes de l’ « Atelier ».

 

 

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