Vigie, août 2022

 

Canicule

 

 

« L’été ivre mort / s’écroule et s’endort / la vie s’évapore… » chantait Vasca dans « Canicule »… Toujours pas le moindre nuage susceptible de donner la moindre pluie à l’horizon. Devant les maisons on ne parle que de cela, et l’inquiétude monte qui ne résoudra rien. Pendant que le monde brûle, crame, bombarde, explose, déforeste, ratiboise, s’exaspère, je bois du thé et du café en me replongeant dans de vieilles notes bretonnes qui sentent bon la marée et me permettent de prendre des vacances sans dépenser d’autre énergie que celle nécessaire à l’ordinateur, à la cafetière et à la bouilloire (c’est déjà trop, je sais, sans compter ce café et ce thé venus du bout du monde qu’il faudrait remplacer par une infusion locale).

Hier nous sommes allés aider mon père pour son déménagement de l’appartement de Chambéry ; bientôt tous ceux qui le pourront fuiront des villes devenues invivables. « Fuyons, fuyons cette farce, un aller simple pour Mars, santé & java d’enfer avec les petits hommes verts ! » (chantait encore Vasca).

Le soir venu les papillons viennent voltiger autour de l’écran, comme naguère en Guyane. Le hérisson du jardin est tellement assoiffé qu’il se risque à venir boire dans la gamelle d’eau de Rimski. Chaque nuit, une bête vient gratter le mur de la cave et me réveille : loir, lérot, souris ou martre ? Je le saurai sans doute bientôt, car Éric a passé une cage à Nathalie dont je compte bien me servir.

Au matin je repars à travers les champs poussiéreux. La petite maison en haut de La Martinette est occupée. Un chien, possible croisement d’husky, attend devant la porte et vient flairer Rimski, le poil légèrement hérissé, sans un aboiement. On passe discrètement et l’on rejoint le nant dont la chanson rassure. Il fait bon le long du Gelon où souffle une brise humide. La maison de l’ancienne centrale est toujours occupée, elle aussi, et l’on peut difficilement imaginer un meilleur refuge pour les étés caniculaires. Au barrage, une pancarte précise que « le débit minimum à contenir dans le cours d’eau, dit débit réservé, est de 48 litres par seconde ». C’est ici la « centrale hydroélectrique de la chute de Presle, prise d’eau du Gelon ». Le « débit maximal dérivé » est de 1000 litres par seconde. Il reste encore assez d’eau pour qu’un samoyède puisse se tremper les pattes…

Les images d’un rêve fait cette nuit me reviennent dans l’entrelacs des feuillages. J’observais un coq de roche mâle en parade, orange très vif dans le vert éclatant du sous-bois. J’en étais très heureux mais pas très étonné. Les balsamines de l’Himalaya sont en fleurs et dégagent une odeur écœurante. En passant après le pont, on cueille et on mange une poignée de mûres. Vu d’ici, le soleil sur la colline en face dont les rayons commencent à percer la canopée ne semble pas si menaçant.

 

05/08/22

 

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