Vigie, octobre 2022

 

De tout petits riens

 

 

Il fait si beau aujourd’hui encore que j’ai eu envie de prendre la voiture pour retourner marcher sur les crêtes ; la nécessité de faire durer le plein de carburant m’en a dissuadé, et nous voici folâtrant sur ce sentier quotidien qui n’est pas moins plaisant. L’averse de feuilles fait tourner la lumière au-dessus de nos têtes.

En Ukraine, c’est une averse de feu qui s’est abattue ce matin. Les missiles ont frappé des universités, des musées, des immeubles d’habitation, une aire de jeux pour enfants. Les images mentales et celles du dehors se contredisent, guerre et paix, quiétude incroyable contre chaos indicible. Les beaux éclats d’octobre en sont salis de reflets sanglants.

Ombres et lumières sur l’allée des aulnes que le chien blanc traverse en toute candeur. Pourquoi est-ce que nous touchent tant les images d’enfants ou de bêtes victimes de la guerre ? Parce que les enfants et les bêtes ne comprennent pas, sont innocents, et les bêtes plus encore qui ne portent pas en elles les germes de la violence humaine qui est sans limite, alors que la leur se contente du nécessaire.

Plus que jamais on se réfugie dans de tout petits plaisirs et de tout petits riens. Un cocon jaune pâle et une coccinelle rouge parmi les orties. Un lézard vert très fin, très touchant, très inquiet, tapi dans les feuilles du laurier. Un papillon orange posé sur le goudron de la route, vulnérable, et qui replie les ailes pour se rendre invisible. Les crêtes pourpres, pas moins belles vues d’en bas. Un noyer si jaune qu’on le dirait tout ruisselant de miel. Un baiser. Le goût du café. Un visage redessiné sous les paupières quand on ferme les yeux. Un roman qu’on relit. Une promenade avec son chien.

10/10/22

 

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