Vigie, janvier 2023

 

Pour saluer un nuage

 

  

Brouillard et pluie froide s’alourdissant bientôt en neige. Temps pourtant clair dans la tête. Un rouge-gorge. L’odeur d’encens des feux de cheminée. Le cri des geais à l’orée du bois. Rimski gratte le sol enneigé pendant que je regarde le brouillard accroché aux crêtes et la forêt sombre striée de pointillés clairs.

J’ai peu à dire, en surface comme au fond : juste ces variations réitérées des saisons et la joie de repasser par ce sentier en pente raide où s’entassent dans la boue les bogues de l’automne, là où l’on ramasse les girolles, puis d’aller à la rencontre du torrent dont je m’approprie le fracas comme s’il m’était adressé, de mettre mes grosses bottes d’humains dans les traces fines des chevreuils et, tout en tenant fermement la laisse du chien blanc, de laisser filer mes pensées qui me mènent aussitôt à Dijon, en mars, au printemps des poètes où je dois faire une lecture, si bien que me voici replongé mentalement dans mes livres à raconter pour un public imaginaire l’histoire d’un jeune homme enfermé dans la ville, qui rêve du Grand Nord, qui s’en va en Bretagne, en Écosse, en montagne, en Guyane, avant de revenir au pays de son enfance où il apprend à vivre l’ailleurs dans le proche, sur la route, dans des trains ou en tournant en rond dans la forêt avec son chien…

Voilà, le programme est bouclé, et je salue d’un signe de ma tête pleine de pluie le petit nuage qui passe entre deux arbres, en promenade comme moi. 

11/01/23

 

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