Vigie, janvier 2023

 

Un tissu d’instants

 

 

Redescendant ce vendredi après-midi le même chemin, je suis saisi d’abord par un étrange sentiment d’immobilité (dont je ne sais pas encore qu’il sera le sentiment dominant de ce mois de janvier 2023), le contraire absolu de l’impermanence à laquelle je suis pourtant si sensible, car il semble bel et bien que rien ne s’est passé entre la semaine dernière où je marchais pareillement sur ce sentier et aujourd’hui, une semaine de vie effacée où l’on n’a pas vraiment vécu, je serais bien en peine de dire quoi que ce soit à son propos tant le temps de la balade m’apparaît comme relevant d’une sphère de réalité autonome — et si le sentiment de l’éphémère s’immisce néanmoins, c’est à cause de cette impression d’avoir perdu sept jours de ma vie dans les limbes de l’oubli.

Me frappe ensuite l’odeur printanière de l’herbe mouillée, l’éclat de la lumière sur les tôles des toits parce que le soleil soudain écarte le brouillard dans lequel jusqu’à présent on baignait, illuminant jusqu’au sentier creux d’ordinaire bien sombre et aux vieilles mousses du muret fugacement transfiguré – l’instant d’après, le brouillard s’est reformé. Puis l’averse commence à crépiter aux oreilles, sur la casquette de mon grand-père. La montagne disparaît. Les chatons vert jaune des noisetiers ruissellent. Soleil bref, averse tout aussi brève, l’éternité des promenades n’est qu’un tissu d’instant.

13/01/23

 

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