Route, novembre 2012

 

 

 

PAYSAGE AVEC  PANACHES

 

 

D’abord on ne voit rien. Nuées partout. Qui s’estompe très lentement. D’abord on n’est préoccupé que par cela : dégager un espace minimum de visibilité, de lisibilité. Dégager un espace. Se ménager une possibilité pour avancer, pour voir au moins un peu le chemin. Pour que se dessine un chemin. Mais d’abord on ne voit rien.

Dégager. Se dégager. Beaucoup d’énergie pour cela, beaucoup de souffle, de patience, de temps. Pendant ce temps, on reste à l’arrêt. Ou bien, on avance tout doucement, au pas. On finit par entrevoir quelque chose du chemin. On accélère alors. La vue se découvre d’un seul coup. Et l’on file sur cette route découverte. Où tout est net.

 

Assis dans le matin froid

tache orange fluo sur fond de givre

le chasseur aussi guette.

 

(Est-ce que le guet du chevreuil

lui aura permis de voir

cette clarté sur le mont Granier ?)

 

J’ai déjà vécu cela, ce matin, cette route.

Je n’ai jamais vécu cela, ce matin, cette route, ce panache de fumée blanche au-dessus du village, ce ciel bleu pâle transparent (mais pas comme hier).

 

Devant la maison encaissée

tout au fond de la combe

aucune lumière.

 

Rêvé cette nuit d’une parade de coq de bruyère. Ces coqs de bruyère, on les avait bien vus il y a de cela au moins dix ans tout là-haut, du côté du mont Granier, à Pragondran. Étions partis avant cinq heures le matin un été, rude montée, cliquetis des clarines des chèvres à notre arrivée, envol du premier coq de bruyère.

Les rêves en hiver font au-dessus des toits de très jolis panaches.

Dans le petit matin froid, travailler encore et encore à rendre plus perceptible tout ce qui nous relie. Cela suppose aussi un travail sur ce qui nous sépare. Les mots. Tantôt des obstacles, tantôt des aides. Les mots, cette soufflerie verbale qui désembue le pare-brise, ce souffle chaud que je projette alentour et qui me revient en retour porteur (dans le meilleur des cas) de plus de chaleur, de clarté et d’amour.

Et même à travers la brume tout au fond de la combe, on n’est jamais loin du soleil.

 

12 novembre 2012

 

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