Route, mars 2015

 

 

EMBARRAS DE MARS 

 

 

Ce matin le premier rougequeue (sans doute pas le premier arrivé mais le premier que je vois) lance son trille depuis le toit de la grange. La neige fond de plus en plus vite et la mare se réveille. Trois grasses poule grattent la terre retrouvée. Les hommes travaillent aux jardins.

Comme chaque année je retrouve ce léger embarras à l’arrivée de mars. Que faire de ce printemps, de cette liberté nouvelle qu’il suppose ou annonce ? La route est sans obstacle. Il y a bien sûr un certain contentement à l’idée de la douceur, des promenades à venir, et devant le spectacle de cette métamorphose. Mais il y a d’abord de la gêne, comme me gêne toujours ce jaune palot, maladif, des primevères. La neige en fondant et la lumière crue révèlent toute la crasse accumulée pendant l’hiver. On sent la nécessité d’agir, de sortir, de sortir de sa torpeur de marmotte enterrée. Une fois sorti du terrier ça ira, ça ira mieux. C’est un sentiment bien passager, peut-être assez peu partagé, et auquel il convient de ne pas prêter trop d’attention.

(Plus intimement je crois pourtant que cette grande douceur qu’annoncent les beaux jours de mars me met mal à l’aise parce qu’elle me renvoie à la douceur perdue de certains moments désormais aussi inconsistants que ces rêves que je note ou que ces maisons que je laisse derrière moi.)

 

9 mars 2015

 

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