Pluie de novembre
Il pleut dans la vallée, il neige sur les crêtes. Profitant d’une accalmie je pars sortir Rimski, l’arrachant à la sieste qu’il faisait, couché à mes pieds, en bon chien de maison. J’ai enfilé ma cape, mon chapeau de pluie, lui son harnais gris, et nous voici repartis sur le chemin des châtaigniers.
On a beau s’y attendre, cela surprend toujours : les crêtes toutes blanches, là où hier nous admirions le pourpre des myrtilliers. C’est ainsi qu’on est pris en tenaille par l’hiver, qui vient par en haut mais aussi par le creux des ravins où le soleil n’arrive pas et où l’humidité renforce la sensation de froid. On marche presque en silence car les feuilles sont trempées. Un chien aboie derrière la porte close d’un garage. Comme toujours on ne croise personne au hameau des Landaz. Il y a par contre du côté des oiseaux une activité incroyable : partout les geais, les merles, les pies et toutes sortes de passereaux traversent en criant, comme s’il fallait profiter de cette accalmie dont on pressent qu’elle sera brève pour accomplir en urgence les tâches quotidiennes, faire les courses, remplir les réserves de glands et de baies, etc.
Rimski, une fois encore, tente de courser l’écureuil qui le nargue (je crois que c’est toujours le même car c’est au même endroit, à croire que l’animal a pris plaisir au jeu et nous guette), puis il repart en gambadant. Toutes les cheminées de La Martinette fument. La pluie recommence à crépiter, de plus en plus fort, à petites gouttes serrées.
C’est le dernier mouvement de l’automne, le premier de l’hiver, même si l’on sait qu’il y aura encore des reculades, des avancées suivies de retombées, tant le temps qu’il fait est peu linéaire – j’allais écrire : moins linéaire que le temps qui passe, mais ce dernier n’est-il pas lui-même fait de moments morts qu’on oublie et de moments forts qui, reliés les uns aux autres, forment dans la mémoire des cercles concentriques à travers lesquels on voyage au moins en songerie ?
Il pleut à verse. La cape de pluie que je trouvais ridicule m’est finalement utile. Rimski, lui, est protégé par une double-couche de quinze centimètres d’un poil imperméable.
2/11/01