La salle en septembre

UN PAPILLON

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Ce matin-là je les compare à des chenilles, ou plutôt à des papillons fraîchement sortis de la torpeur du cocon et si fragiles, avec leurs jeunes ailes fripées, trempées, inaptes à l’envol. Je leur parle de tout ce qui les menace, des corneilles de notre vie, et je leur dis à quel point il convient d’être prudent. Puis j’ouvre la fenêtre — il fait si chaud, ce ciel sans obstacle semble si peu automnal.

Aussitôt un très beau papillon orangé entre dans la classe, et commence à heurter les grandes vitres avec cette obstination des insectes pris au piège du verre qui leur donne à nos yeux un air désemparé. Je l’enferme très délicatement dans la cage de mes mains, retourne à la fenêtre et, ouvrant mes paumes, je le libère. On le regarde s’envoler.

Rien ne pouvait mieux résumer ce que je cherche à faire entre ces murs, et ce que je cherchais à dire. Aider chacun, à mon niveau, et grâce à ce travail de la main qu’est la littérature, à s’ouvrir au monde et à en affronter l’invraisemblable beauté et la non moins invraisemblable cruauté — ces pièges qui se referment, ces becs tranchants qui guettent, et néanmoins ces envols.

 

Je raconterai quelquefois cette histoire, avant de l’oublier.

3 septembre 2013

 

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