Route, février 2013

 

 

LE DERNIER JOUR

 

 

Grisaille molle —

pour l’hiver aussi la fin 

ressemble au commencement.

 

La grande balançoire

donne sur le vide

bientôt des enfants y joueront.

 

Peu de mots 

un brouillard dense

la silhouette d’un promeneur.

 

Au plafond de bois

rien qu’une ampoule nue —

comme il doit faire sombre ! 

 

Une énorme pancarte rouge et jaune 

apposée sur une bicoque 

annonce triomphalement : vendu ! 

 

Nathalie cette nuit a rêvé que l’on vendait la maison pour retourner s’installer en Guyane, dans une autre maison qui donnait sur le mont Matoury. Nous étions heureux de retrouver les toucans, les aras, et le mont Matoury.

 

Depuis que j’ai vu ce troupeau de biches traverser tout là-bas en face, en bas de la combe, je ne peux m’empêcher à chaque fois que j’arrive à ce point de mon parcours quasi quotidien de regarder, comme on regarde à gauche et à droite à un carrefour, presque machinalement. 

 

Ainsi de toute promenade faite régulièrement, ainsi de ce tour du mont Matoury où j’avais fini par connaître intimement à peu près chaque arbre et chaque buisson et chaque souche du sentier, que je peux refaire encore mentalement sans trop de difficultés, et où je trouverais probablement les mêmes dendrobates cachés sous les mêmes souches si je pouvais miraculeusement m’y transporter à l’instant. 

 

Ainsi le rêve, le voyage et la parole tissent-ils la trame de notre géographie intime. 

 

Un pan de ciel bleu, des nuages légèrement colorés jaune pâle, la journée finalement sera peut-être moins humide et lumineuse que ce que je craignais. Ce n’est pas sans importance car c’est aujourd’hui le dernier jour avant les vacances d’hiver. Le dernier jour où je pourrai sortir dans la cour avec les élèves et écrire les haïkus d’hiver.

 

21 février 2013

 

 

 

© Lionel Seppoloni, tous droits réservés.

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