Pragondran (1995-2015)

 

 

 

FÉVRIER 2000

 

Assis au pied du vieux bouleau sur la paille parsemée de neige, j’écoute le vent siffler à travers la conque claire de Pragondran. Temps superbe, quelques parapentistes sont de sortie aussi. S’il n’y avait ce vent on ne sentirait presque pas le froid. Deux promeneurs qui passent en face sur le chemin de garde font deux petites taches de couleur dans le paysage noir et blanc.

Bourrasque, silence.

Je marche à petits pas transis sur le chemin enneigé, attentif au moindre trille du moindre oiseau. Une mésange noire traverse. Un pic-vert. La montagne insensiblement s’effrite dans une succession d’infimes craquements, d’avalanches de feuilles pourries et de gravillons, de brindilles et de branches alourdies par la neige qui fond.

Soudain une grosse boule jaune à la tête rousse, au dos strié de noir et à la queue noire, vient se poser dans un hêtre. Je m’embusque et j’observe…

Le soleil décline vite. Un concert inattendu résonne dans la forêt : toute une troupe de moineaux, de mésanges et de tarins se sont mis à crier. Un aigle au plumage sombre lance un cri plaintif et va se poser dans une anfractuosité de la falaise. La lumière rougit, le froid se fait plus mordant et le concert des passereaux redouble.

Silence.

Plus que le dialogue obstiné de deux mésanges.

Une tourterelle.

La dentelure des épicéas enneigés sur la ligne des crêtes s’assombrit. Le roux des mélèzes nus se fait plus roux à mesure que le soir tombe, la neige parait plus blanche, la paille plus jaune.

Tout n’est plus que silence et attente du soir. Les arbres resteront là, qui ne songent pas à rejoindre la vallée qu’ils ignorent (s’ils le font un jour, ce sera les racines devant) ; et les pierres ne rêvent pas…

 

22 février 2000

 

Ce contenu a été publié dans Bauges. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.