JANVIER 1996
Prendre dans ses mains une poignée de terre noire, et la palper bien longtemps.
Caresser encore l’écorce du jeune bouleau.
Humer la mousse, écouter, marcher, respirer.
Monter sur la colline en compagnie de la brume et des trilles des mésanges.
Tremper ses mains dans l’eau froide gardée au creux du calcaire.
La brume est partout. Un chien passe sans me voir.
Tout en bas de la falaise la ville gémit dans son sommeil.
La brume s’épaissit : c’est l’hiver, dit un corbeau.
La brume monte.
Depuis la falaise tu regardes cet océan blanc, et le jeune bouleau si doux sous la paume.
Courir à travers la colline, avec la lumière pour compagne.
Les hommes qui passent par ici ont d’étranges corps de brume.
Soudain la brume s’écarte, et l’on ne voit plus que lui : un bouleau tout seul, tout nu.
Plus loin sur le sentier, je tombe nez à nez avec deux chamois. Nous nous regardons, eux soufflant, moi essayant d’imiter ce que je crois être le langage du chamois. Ils s’éloignent sans hâte : écrivant ces lignes je les entends encore marcher juste au-dessus de moi, dans le petit bois…
*
Ces notes ont finalement donné lieu, sous le titre de « Première neige », au petit poème qui conclut D’un hiver à un autre :
Prendre dans ses mains
un peu de la neige fraîche
qui recouvre la colline
tremper son visage
dans l’eau glacée du torrent
transparent
caresser la brume
et ce jeune bouleau qui tremble
tout au bord de la falaise
marcher dans l’hiver
avec son vrai corps de brume
se découvrir corbeau blanc,
saluer en passant
les chamois roux dans la neige
ou le lièvre qui détale
s’arrêter à chaque appel
à chaque frémissement dans l’air
à chaque trouée dans la brume
respirer
ce parfum extraordinaire
de la première neige
c’est soudain comprendre
que rien ne saurait refermer
le « chemin de neige ».
27 janvier 1996