Pragondran (1995-2015)

 

 

 

NOVEMBRE 1995

 

Allongé dans le creux de mon vieux bouleau préféré, j’ai griffonné, en guise d’hommage, ces lignes un peu emphatiques, un peu exagérées, maladroitement « vascaïennes », qui sont la première ou dernière version d’un poème repris plus tard dans le livre D’un hiver à un autre… (Je n’oserais plus écrire des choses aussi confuses, je l’espère, mais je peux me retrouver dans ce désir de mêler par les mots l’arbre et le reste en quête d’une sorte de renouveau…)

 

Arbre au tronc de neige

criblé d’écriture

que jaillisse et se tarisse

ta lave obscure –

 

Arbre aux bras de bise

cerclé de silence

que soient emportés aux vents

tes aigles blancs –

 

Arbre bien planté

dans l’être et la terre

que soient arrachées tes fibres par

les dents de l’hiver –

 

Arbre au tronc de brume

léché par le givre

que brûle la brume en toi

que chante l’hiver –

 

Arbre aux veines vides

traversé d’espace

que s’enfle et se perde en toi

le cri ultime –

 

Arbre au ventre ouvert

fouillé par les aigles

que se casse en tes entrailles

le bec ultime –

 

Arbre écartelé

calcaire éclaté

que soient projetées tes pierres

hors de la sphère –

 

Arbre dispersé

squelette incendié

que brûlent jusqu’à la cendre

tes os et tes serres –

 

Que brûlent tes astres

que brûlent tes aigles

que brûlent au feu d’hiver

l’être et la sphère –

 

Qu’alors soit pétrie

dans tes os noircis

la cendre de l’être

et que se relèvent

l’arbre originel

la sphère première

tous mots rassemblés brûlant

en la chair nouvelle.

 

Et puis, ce même jour je crois (mais d’un meilleur tonneau), l’évocation de la « rébellion hivernale » des guêpes, reprise aussi bien dans D’un hiver à un autre que, sous d’autres formes, dans Le grillon de l’automne et L’éloignement (je recycle ou je radote, comme on voudra):

 

Aux  premières bises

entre clarté et ténèbres

se sont rassemblées

assoiffées, déjà tremblantes

les dernières guêpes

tout au plus une vingtaine

volant affolées :

pas de miel dans la maison

et plus de maison –

pourquoi faire ?

il ne leur est pas permis

de passer l’hiver.

 

Elles s’insurgent pourtant

les guêpes regroupées

grondent et se grisent

au parfum de l’espérance

et puis, tous dards en avant,

elles plongent

dans le ventre des abeilles

aux portes des ruches

et meurent finalement

apaisées

dans le miel et le venin.

 

25 novembre 1995

 

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