NOVEMBRE 1995
Allongé dans le creux de mon vieux bouleau préféré, j’ai griffonné, en guise d’hommage, ces lignes un peu emphatiques, un peu exagérées, maladroitement « vascaïennes », qui sont la première ou dernière version d’un poème repris plus tard dans le livre D’un hiver à un autre… (Je n’oserais plus écrire des choses aussi confuses, je l’espère, mais je peux me retrouver dans ce désir de mêler par les mots l’arbre et le reste en quête d’une sorte de renouveau…)
Arbre au tronc de neige
criblé d’écriture
que jaillisse et se tarisse
ta lave obscure –
Arbre aux bras de bise
cerclé de silence
que soient emportés aux vents
tes aigles blancs –
Arbre bien planté
dans l’être et la terre
que soient arrachées tes fibres par
les dents de l’hiver –
Arbre au tronc de brume
léché par le givre
que brûle la brume en toi
que chante l’hiver –
Arbre aux veines vides
traversé d’espace
que s’enfle et se perde en toi
le cri ultime –
Arbre au ventre ouvert
fouillé par les aigles
que se casse en tes entrailles
le bec ultime –
Arbre écartelé
calcaire éclaté
que soient projetées tes pierres
hors de la sphère –
Arbre dispersé
squelette incendié
que brûlent jusqu’à la cendre
tes os et tes serres –
Que brûlent tes astres
que brûlent tes aigles
que brûlent au feu d’hiver
l’être et la sphère –
Qu’alors soit pétrie
dans tes os noircis
la cendre de l’être
et que se relèvent
l’arbre originel
la sphère première
tous mots rassemblés brûlant
en la chair nouvelle.
Et puis, ce même jour je crois (mais d’un meilleur tonneau), l’évocation de la « rébellion hivernale » des guêpes, reprise aussi bien dans D’un hiver à un autre que, sous d’autres formes, dans Le grillon de l’automne et L’éloignement (je recycle ou je radote, comme on voudra):
Aux premières bises
entre clarté et ténèbres
se sont rassemblées
assoiffées, déjà tremblantes
les dernières guêpes
tout au plus une vingtaine
volant affolées :
pas de miel dans la maison
et plus de maison –
pourquoi faire ?
il ne leur est pas permis
de passer l’hiver.
Elles s’insurgent pourtant
les guêpes regroupées
grondent et se grisent
au parfum de l’espérance
et puis, tous dards en avant,
elles plongent
dans le ventre des abeilles
aux portes des ruches
et meurent finalement
apaisées
dans le miel et le venin.
25 novembre 1995