Route, mars 2016

 

 

 

LA CONFUSION

 

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À cause de l’attaque dans la tête, à cause de l’intoxication du foie, à cause de la morphine, à cause de la violence, à cause de l’explosion au-dedans, au dehors, je roule ce matin sur un ciel dépareillé où volent des morceaux de grenouilles et des biches sans tête. Mon fils se promène en équilibre sur la rambarde en jouant de l’accordéon. Une corneille jaune becquette le soleil. Une frégate en parade au cou rouge gonflé perche sur un sapin. Une vieille souche que j’aimais perd son sang en plein ciel et toute une troupe de petits singes saïmiris pareils à ceux que je voyais naguère en Guyane court à l’envers, la queue en bas, le long des fils électriques. Un vieillard fouette à coups de lierre sa maison lézardée. Un escargot qui porte un masque à mon image glisse sur son lit de bave noire. J’ai sniffé toute la ligne blanche de la route du Verneil jusqu’au cimetière, avalé trois nuages, lapé tous les derniers névés de Belledonne et je reste insatiable parce que la douleur ne s’arrête pas. À présent je me heurte à une camionnette noire qui proclame : « Alarme générale ». À la place du panneau qui annonce, en principe, La Chapelle du Bard, on peut lire : « Mémorial » ; et puis, plus loin, sur celui d’Allevard – mais barré : « Renouveau ».

 

22 mars 2016

 

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