POUR UN PRINTEMPS
J’exècre
je redoute
je refuse
le banal en nos vies ordinaires
ces ankyloses de fin d’hiver
ces feintes ces voiles ces ruses
et ce brouillard en fond de cluse.
Je parle
contre l’opaque
contre l’usure
j’écris
pour un printemps
où la parole souveraine
referait battre les portes du vivant –
j’écris pour un printemps.
« Le printemps s’éveille à peine
arrête de crier, tu vas le faire fuir ! »
m’a murmuré le bois.
« Ne méprise pas le flou
c’est la réalité en laquelle tu baignes »
m’a conseillé la brume.
Et la route a renchéri : « Regarde
comme tout est ouaté
comme tout est ténu
la cane rejoint sans bruit son compagnon
dans le secret de la gouille
en contrebas tout est doux et voilé
le soleil rallume les façades
laisse venir la clarté
laisse venir… »
La corneille colérique
a croassé cependant :
« Tombe la grêle, claquent les becs
que ça grésille et que ça crève
crâk crâk crâk crâk
redoute l’inerte
refuse l’opaque ! »
2 mars 2016