Route, mars 2016

 

 

 

PERSONNE

 

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Tous ces tambourinages, ces tapages, ces chants, sont des combats menés sans lassitude ni bravoure par de petits soldats qui n’ont pas le choix de leurs actes. Il est abusif d’associer à la joie ce renouveau printanier qui nous impressionne si fort et que manifestent de manière si sonore les oiseaux ; la violence, en revanche, paraît indubitable. (Belle violence, au demeurant, au moins aussi belle que celle de ces héros, toujours bien trop préoccupés par leur propre valeur et enclins à oublier les pantins que nous sommes tous, des épopées antiques ou médiévales.)

Ce matin cependant tous les verts s’adoucissent, s’éclaircissent. La nature déroule sa partition printanière avec une intensité paisible. Il en sera toujours ainsi, sans doute jusqu’à ce que la terre devienne vraiment vieille, que le soleil charbonne. J’envie à la nature cette capacité qu’elle a de renouveler ses formes sans s’épuiser ni radoter. La nature ne tourne en rond que pour danser. En elle sont ancrées la mémoire de ses gestes, de ses couleurs, de ses clameurs, de ses percées, ainsi que toutes les possibilités de renouveau ; mais il n’y a personne pour se souvenir, personne pour oublier, personne pour se projeter, et donc personne pour se lasser ni espérer.

En l’homme jamais assez anonyme, c’est la personne qui fait obstacle − qui crève l’œil, qui fait qu’on ne voit plus et qu’on finit par dire n’importe quoi en titubant.

 

30 mars 2016

 

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