La gouille (2)
Cette mare cette flaque cette gouille
une autre ou la même
mare de l’enfance
où l’on observait les tritons les dytiques
et les trichoptères à fourreaux –
les mêmes qu’aujourd’hui
ou bien d’autres,
Cette mare cette flaque cette gouille
dans laquelle t’en souviens-tu ?
nous avions, jeunes mariés, prélevé
(j’en ai honte à présent)
les larves de notre aquarium lyonnais
les tritons grandissant alors, se multipliant
et finalement s’enfuyant
dans tout l’appartement,
Cette mare cette flaque cette gouille
au bord de laquelle j’ai écrit
(c’était je crois à la fin de l’été deux-mille-treize
lors d’un de ces retours au pays
qu’on aime tant quand on vieillit)
ce texte des « trompettes »
qui annonçait sa mort,
Cette mare, cette flaque, cette gouille
quand on s’y penche comme s’y penchent
les arbres demi-noyés
quand on regarde comme on regarde
à l’endroit, à l’envers, ses ombres, ses reflets,
on sent bien que remonte l’image presque intacte
d’un monde originel en lequel
notre destin semble scellé.