De jour en jour
Le grand tilleul jaunit de jour en jour et la végétation recouvre la Fiat Panda à l’abandon. Odeur et traces de fumée dans le ciel gris. Passant prudemment la tête sous la clôture électrique le chien blanc lèche le museau de l’âne gris aux sabots déformés.
En cette fin de vendredi après-midi les ouvriers ont quitté le chantier de forage et l’on s’approche pour lire : « Mise en place d’une station de pompage sur la commune de La Table, août à décembre 2021 ». La structure bétonnée avance de jour en jour et on ne reconnaît déjà plus le site d’où partait un sentier.
Plus loin je m’amuse à arroser Rimski, qui saute pour éviter ou attraper l’eau, jappant avec une joie contagieuse, puis on reprend le chemin ordinaire, moi derrière et lui devant. J’improvise assez fort : « C’était un grand toutou blanc, tous derrière, tous derrière… »
Une fois de plus, une fois encore me frappe, sitôt entré dans la grande forêt, cette atmosphère, je ne sais comment dire et le mot est bien pauvre, de mystère, à cause de ces taches de lumière ou d’ombre, plus d’ombre que de lumière d’ailleurs mais c’est pourtant celle-ci à laquelle on s’attache.
Rimski a repéré les chevreuils que je n’avais pas vus et, dressé sur ses pattes arrière, tire de toutes ses forces sur la laisse et pousse des aboiements très brefs, plus graves que d’habitude et qui témoignent d’une excitation extrême. L’époque où je pensais pouvoir le lâcher dans ces bois semble lointaine…
