LA ROUTE OU LA VIE
Au long de la route tu ne regardes
pas la montagne ni la pluie ni l’automne
qui rallume ses feux de paille.
Au long de la route tu ne prêtes
qu’une attention distraite au chien noir
bien campé dans le pré vert
et qui lui, regarde vraiment
son maître ou la proie (va savoir)
à l’orée du bois.
Au long de la route tu n’écoutes
ni le crépitement de la pluie ni la musique
pourtant divine
que diffuse la radio. Tu ne jettes
qu’un regard furtif et navré
aux chasseurs armés qui patrouillent.
Au long de la route tu ne regardes pas
différemment la vieille dame penchée
sur les légumes de son jardin
à la sortie du village
et ces vaches dans le virage
courbées sur leur herbe
tu ne regardes pas les crêtes
quand tu redescends vers Belledonne
ni le vol du casse-noix
tout occupé ce matin
à faire honneur à son nom
ni les travaux d’Arvillard
ni le vol noir des corneilles
ni la croix rouillée
ni la fumée de l’usine
ni le pont-frontière sur le Bens
ni la maison jaune
ni les châtaignes écrasées
ni les pommes du verger
ni les coings au doux duvet
ni le mur du cimetière.
Au long de la route
ce que tu regardes filer
c’est ta vie.
16 septembre 2015