Premiers frimas
(les bogues se fendent)
Temps brouillé, voilé, enfin frais, presque froid. Le beau chien entravé dans le jardin m’attend, patient, résigné, confiant aussi je crois car il sait bien que je reviens pour m’occuper de lui. Je ressens une sensation de délivrance lorsque je le détache et que nous repartons marcher. Lui, encore à moitié endormi, ne semble pas si pressé et trottine nonchalamment.
Les bogues se fendent, laissant apparaître les châtaignes luisantes. Il y a des geais qui criaillent un peu partout en lisière. On a brûlé le grand nid que les guêpes avaient commencé à bâtir dans la butte – je m’étais d’ailleurs étonné de ce qu’elles préparent ainsi un nouveau nid à cette époque déjà avancée de l’automne, alors qu’elles ne passent pas l’hiver. Tombent les bogues, siffle la bise, et l’on entend aussi la plainte d’une tronçonneuse quelque part en contrebas (c’est incroyable comme les tronçonneuses semblent toujours gémir). Je regarde un moment de beaux champignons ocre jaune qui poussent au pied d’un bouleau, que je ne connais pas et dont l’odeur agréable évoque l’agaric boule de neige ; lamelles blanches, gros pied blanc strié de jaune, chapeau doré, je me promets de les identifier au retour.
Rimski s’arrête sans cesse pour flairer ou gratter. Je me demande s’il ressent la nostalgie de sa course de l’autre jour à la poursuite des brebis. Je m’étonne de le trouver décidément si paisible – il faut dire aussi qu’il a passé tout le week-end à randonner. Puis le voici qui se met à courir, à bondir, à grogner, à aboyer gravement en direction d’un arbre sur lequel un écureuil le nargue avant de disparaître. M’étonne encore la taille des girolles que je ramasse en passant, sans doute pour la dernière fois de la saison – c’est une belle fin pour les girolles. Une cheminée fume au village de la Martinette. Cris du coq. Le chat en chasse chaque fois se tapit. Passent les silhouettes de l’homme au grand chien blanc. Passe le temps.