Notes de Madère (été 2013)

AUX RENDEZ-VOUS RATÉS

 Rendezvous

 

1.

Au rendez-vous de l’aube

le soleil ne vient pas —

les lueurs du village.

Fidèle quant à lui

au rendez-vous des vagues

notre voisin le surfeur.

Infidèles les vagues

car l’hirondelle rase

une mer bien étale.

Le jour cependant s’allume.

Une vague se forme

que chevauche le surfeur.

Les hirondelles

les chevaucheurs de vagues et moi

étions bien au rendez-vous.

La plongée en téléférique

vertigineuse pourtant

ne provoque nulle émotion.

À la réserve naturelle

aucun oiseau

juste l’écume.

Le parc d’attraction madérien

stalinien, surdimensionné

reste quasiment désert.

Tous ces rendez-vous ratés

sur fond de crise où rien

ne coïncide avec rien.

Une voiture monte lentement

une côte si raide

qu’on croirait un funiculaire.

Cerné par trop de silence

l’habituel brouhaha multilingue

n’apporte pas l’insouciance.

« Je veux m’enterrer »

déclare l’enfant boudeur

enfoui dans le sable.

De la plage sans mer

sans vagues et sans vacanciers

reste au moins l’ennui.

2.

On reste ainsi à attendre sous l’ombre miroitante d’un jeune acacia que s’achève cette journée vaine (« on n’a plus qu’à repartir », dit l’enfant déçu) dans ce parc standardisé où flotte un air de désolation qui évoque les anciens pays de l’Est (sans doute à cause de l’architecture). Ces artisans mis sur le même plan que des attractions à touristes, je n’ose pas aller les voir et poser sur leur travail et leur personne le seul regard qu’il m’est permis de poser dans de telles circonstances (il faudrait au moins connaître la langue pour ne pas se réfugier derrière ce sourire gêné, coupable, de touriste peu fier de l’être). Un coup de vent fait bouger les ombres rondes de l’acacia. L’heure tourne très lentement, cependant que les fausses pierres-transistors diffusent sinistrement et pour presque personne de la musique folklorique.

 

Barrant l’horizon déjà bien bouché, un mur rouillé « en hommage à la diaspora madérienne »…

31 juillet 2013

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