AUX RENDEZ-VOUS RATÉS
1.
Au rendez-vous de l’aube
le soleil ne vient pas —
les lueurs du village.
Fidèle quant à lui
au rendez-vous des vagues
notre voisin le surfeur.
Infidèles les vagues
car l’hirondelle rase
une mer bien étale.
Le jour cependant s’allume.
Une vague se forme
que chevauche le surfeur.
Les hirondelles
les chevaucheurs de vagues et moi
étions bien au rendez-vous.
La plongée en téléférique
vertigineuse pourtant
ne provoque nulle émotion.
À la réserve naturelle
aucun oiseau
juste l’écume.
Le parc d’attraction madérien
stalinien, surdimensionné
reste quasiment désert.
Tous ces rendez-vous ratés
sur fond de crise où rien
ne coïncide avec rien.
Une voiture monte lentement
une côte si raide
qu’on croirait un funiculaire.
Cerné par trop de silence
l’habituel brouhaha multilingue
n’apporte pas l’insouciance.
« Je veux m’enterrer »
déclare l’enfant boudeur
enfoui dans le sable.
De la plage sans mer
sans vagues et sans vacanciers
reste au moins l’ennui.
2.
On reste ainsi à attendre sous l’ombre miroitante d’un jeune acacia que s’achève cette journée vaine (« on n’a plus qu’à repartir », dit l’enfant déçu) dans ce parc standardisé où flotte un air de désolation qui évoque les anciens pays de l’Est (sans doute à cause de l’architecture). Ces artisans mis sur le même plan que des attractions à touristes, je n’ose pas aller les voir et poser sur leur travail et leur personne le seul regard qu’il m’est permis de poser dans de telles circonstances (il faudrait au moins connaître la langue pour ne pas se réfugier derrière ce sourire gêné, coupable, de touriste peu fier de l’être). Un coup de vent fait bouger les ombres rondes de l’acacia. L’heure tourne très lentement, cependant que les fausses pierres-transistors diffusent sinistrement et pour presque personne de la musique folklorique.
Barrant l’horizon déjà bien bouché, un mur rouillé « en hommage à la diaspora madérienne »…
31 juillet 2013