CÉRÉMONIE D’ÉTÉ
(Et bien sûr, deux ans plus tard, osant enfin relire et retaper ces notes je ne peux que constater que ce même titre de « Cérémonie d’été » sert maintenant à désigner ces sombres mélodies que je joue, seul dans ma cave, pour musicalement célébrer la mort de ma mère, et j’hésite à poursuivre, à relire, à réécrire ces histoires de vagues qui vont et viennent, de levers ou de couchers de soleil, de fleurs et d’île, qui ne me parlent plus que de si loin…)
1.
La vague aussi
est venue de loin
pour s’abattre là.
*
Martinets en vol :
des rochers
happés par la Grâce !
*
Fragments de pierres noires
projetés dans l’aube :
les martinets.
*
J’arrive à temps
pour l’office du soleil —
une cérémonie sans façons.
*
Un goéland
survole cela
avec un air satisfait.
*
Quel est le peintre
qui use ainsi du nuage
pour faire varier la lumière ?
*
Calligraphie du martinet
sitôt lue
sitôt perdue.
*
Que le martinet frôle sans distinction
le rocher et le scripteur
me comble d’aise.
*
Une bergeronnette
tend d’un bout à l’autre de l’aube
son fil ondulant.
2.
Adossé à la falaise
entre les clameurs d’oiseaux et
le fracas de la marée
on n’a d’autre choix que
l’envol et le vaste
on regarde vers le haut
vers le ciel, vers le large
on ne rêve pas d’une vie plus large
on lui cède la place
on fait derechef
place vaste
trouvant ainsi
une liberté paradoxale —
acculé
entre falaise et marée.
*
Les sternes non plus
ne se lassent du ressac
ne se lassent du rivage.
*
Pour pouvoir redire
que la joie demeure
offerte partout possible, rayonnante,
il fallait venir ici ?
— Oui monsieur.
*
Les crêtes s’éclairent d’une traînée verte
les martinets autour de la lune
font un carrousel et
tout danse.
*
Précisons,
affinons la sensation –
errer parmi les galets
en ramasser un
et tenter de respirer par ses pores –
nous sommes tous nés d’un volcan.
*
Ah ce parfum !
ce fracas !
cette dentelle blanche
jetée au ciel comme du riz
pour les noces océaniques !
*
La vague se referme
se rassemble
se contracte
se projette
éclabousse le carnet
offrant au scripteur
outre ces traces salées
un écho de la terreur joyeuse
de l’enfant mi paniqué mi exalté
par tant de puissance
par tant de beauté —
Ainsi aussi la parole
et la joie
en moi se rassemblent
se contractent
se projettent sur la page
puis refluent —
j’ai écrit ces lignes avec la marée montante
en cette première aube
du premier matin du monde
à Saõ Vicente
au nord de l’île de Madère.
29 juillet 2013