Notes de Madère (été 2013)

LEVADA DO NORTE

 

 M06

L’extrême douceur, on la trouve ici en marchant le long de l’eau. Léo suit de près son grand-père qui chante d’une voix qu’on dirait parfois d’enfant, « La supplique pour être enterré sur la plage de Sète » : « La Camarde ne m’a jamais pardonné d’avoir semé des fleurs dans les trous de son nez… ».

Sans doute c’est cela qu’on fait maintenant, en marchant, en écrivant : semer des fleurs dans les trous de nez de la Camarde. Sans doute c’est pour cela, toutes ces fleurs le long de ce chemin, et ce chemin même, cette simple et si douce balade.

 

Bientôt on s’enfonce dans un long tunnel (les enfants rient), après quoi tout vire au gris, au très humide, au brouillard, avec partout des cheveux de Vénus (ou de Perséphone ?), des arbres spectraux, des cascades, des mousses, des lauriers de trente mètres. Après l’adret vient l’ubac, après les fleurs les moisissures (et le grand-père explique encore : « manger des pissenlits par la racine »). En ce lent processus de dégradation-régénération végétale on se sent pourtant étrangement à son aise. On s’enfonce avec gratitude au sein de cette forêt pluvieuse, guère moins satisfait que le bourdon dans l’agapanthe.

 

On suit sa pente naturelle, son penchant pour l’humide et l’obscur, le long de la levada du Nord.

 

29 juillet 2013

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