Vigie, mai 2022

 

Aires de dégagement

 

 Vigie0522 12

 

Le ciel bleu, quand on le chauffe, devient blanc. L’air doux saturé de pollen et de graminées, de nouveau asphyxie. Le paysage qu’on avait cru comme agrandi et rouvert par la nouveauté que représentait hier l’advenue si heureuse de l’été, se referme, et le sentier dévoré d’orties semble avoir rétréci. L’espoir aussi d’une nouvelle harmonie mieux ancrée dans ce lieu semble différé, puisqu’Élodie peut-être n’achètera pas la maison de la Martinette (le voisin à qui appartiennent les terrains attenants ayant exclu de lui céder les quelques mètres qui permettraient de faire un jardin).

Puis ce qui s’est refermé naturellement se rouvre. Le ciel blanc qui, à l’instant, éblouissait jusqu’au malaise, rend la pénombre du sous-bois encore plus agréable, et l’on apprécie davantage la brise montant du Gelon après avoir sué. Le petit nœud de tristesse reformé dans le ventre de lui-même se dénoue…

D’une façon générale, je n’entends pas très bien ni longtemps les dissonances. Je suis d’un naturel, semble-t-il, plutôt candide, naïf, pas si triste au fond, presque optimiste, je vois le mal mais je peine à le prendre au sérieux (je ne prétends pas que ce soit une qualité). Comme beaucoup de gens je me dis que ça passera, que ça ira, qu’on fera aller (ce qui m’aide aussi, le moment venu, à recevoir avec fatalisme les mauvaises nouvelles).

Et puis je me dis que si tout se ferme pour de bon et que je suis coincé, il me reste, tant que je suis physiquement et mentalement en état de le faire, la possibilité d’écrire. Que j’écrive ou pas, l’écriture reste (me dis-je en ahanant en plein soleil dans la montée finale après un dérapage rattrapé de justesse) mon assurance-vie, mon bâton de marche, ma béquille, mon aire de dégagement.

 

13/05/22

 

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