Vigie, décembre 2021

 

 

 

L’aventure en hiver

 

 

Vigie071221

 

 

Cela fait bien douze ou treize ans qu’on n’avait pas vu un mois de Décembre aussi spectaculairement enneigé. Remontant lentement en voiture la départementale blanche, je récupère en passant les enfants dont le bus était bloqué sur le bas-côté, contraint de chaîner ; comme mon garage est inaccessible, je me gare sur la plate-forme extérieure, glisse, et me retrouve avec deux roues dans le vide ; seule la solidarité et les muscles des amis et voisins du village me sortent de ce mauvais pas.

Il n’y a plus d’électricité dans la Vallée, depuis La Rochette jusqu’au Bourget au moins, et l’on reste dans le noir jusqu’au soir. Les bouleaux craquent, étêtés sans ménagement. On est emmurés. Je déneige jusque tard dans la nuit, puis je recommence à l’aube. À dix heures il neige encore et je repars à pied avec Rimski sur la route qui ressemble à une piste de ski. Même jeter un sac poubelle dans le container devient une aventure…

Petits flocons épars dans le ciel qui se dégage un peu (les prochaines grosses averses sont annoncées pour ce week-end). Partout, des branches brisées, des arbres effondrés. Le paysage est d’une sauvagerie sidérante. En voulant éviter le chasse-neige qui dégage la route aux camions d’Enedis, je me retrouve enseveli jusqu’à la taille. Rimski, que je soupçonne d’avoir recréé pour son seul plaisir son climat sibérien, passe son chemin sans me voir, puis, lorsque je le rappelle et l’invite à s’enfoncer à son tour dans cet édredon géant, bondit et se vautre, se roule, s’enfouit en claquant des mâchoires…

Naturellement la laisse ne cesse de se coincer dans les branchages des arbres qui sont tombés sur ce qui ne ressemble plus du tout à un sentier. La peur de recevoir un arbre sur la tête commence à m’agiter. Chaque mètre parcouru dans ce chaos est un petit exploit pour le bipède que je tente de rester – mais je suis de plus en plus obligé de me mettre à quatre pattes pour suivre Rimski. Quand il passe sous un tunnel de neige où je ne peux pas m’engager, je lâche la laisse et cours ensuite pour la récupérer. C’est une promenade éprouvante pour le maître, mais aussi pour le Samoyède obligé de bondir et de donner des coups de rein pour avancer (il est inutile d’avoir une longue expérience des chiens pour voir que l’exercice lui plaît). À main droite le Gelon avance bien plus vite que nous. En contournant un grand épicéa cassé en deux, je reçois le baptême d’une longue avalanche qui m’étourdit et achève de me transformer en bonhomme de neige…

Dans ce paysage quasiment noir et blanc, seules détonnent les marques claires des troncs cassés.

Rimski saute dans le ruisseau où il manque m’emporter. Une branche casse. Un rapace passe en silence. Le coup sourd d’une avalanche…

Ça y est, nous sortons de la forêt et parvenons à La Martinette. Odeurs d’étables, rassurantes. Un âne braie au loin, ce qui remet Rimski en état d’alerte. La montagne a disparu dans le brouillard, et il neige à nouveau à petits flocons serrés que l’on avale en remontant pesamment vers le Villard.

 

09/12/21

 

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