Vigie, décembre 2021

 

 

 

La route dangereuse

 

 

Vigie041221

 

 

Je marche le long de cette route où, tout à l’heure, j’ai une fois de plus et de très peu frôlé l’accident, à cause d’une voiture qui a pris à grande allure un virage serré en se déportant sur ma voie. J’ai pilé, la voiture en face s’est déportée, mais la scène, comme vue au ralentis, me semblait ne pouvoir s’achever que dans un grand bruit de ferraille…

Je marche sur cette route dangereuse, et peut-être plus dangereuse encore quand on la parcourt à pied attaché à un Samoyède qui ne s’est pas assez promené et que toute cette neige rend fébrile. Me voici à l’endroit où j’ai vu l’autre jour deux chamois : Rimski hume l’air froid et tire encore davantage, comme s’il s’en souvenait ; si une bête apparaissait maintenant j’aurais toutes les peines à rester debout… On s’enorgueillit facilement de notre bipédie humaine qui nous permet de jouer les vigies, en oubliant à quel point elle nous fragilise (on tient mieux sur quatre pattes que sur deux) et nous éloigne de ce monde animal dont on conserve une nostalgie si profonde qu’elle me semble la seule explication plausible à mon étrange manie de me promener, même sur terrain verglacé, avec un chien.

Voici cependant la petite cabane en bois de la station de pompage en construction, qui ressemble à un refuge de montagne. Le soleil gagne peu à peu le fond de la combe et éclaire le bois de la façade. Ciel bleu pâle, lavé par la tempête d’hier. L’eau des ornières et la terre ont gelé, les branches alourdies forment des corridors de glace. La neige rend visible les pistes d’odeurs que traque Rimski : ici, le passage d’un renard, plus loin des chevreuils, et les empreintes de petit ours d’un blaireau – toujours à ces mêmes endroits que j’anticipe presque sans y penser en serrant la laisse.

Quel plaisir de traverser l’habituelle flaque de boue en sentant seulement sous les bottes l’exquis craquement de la glace ! Petit névé au milieu de l’eau noire, Rimski trempe ses pattes dans le Gelon pour boire. Je fais un détour pour aller voir la ruine écrasée cet automne par la chute d’un arbre, et je constate que c’est comme si la neige l’avait écrasée une deuxième fois, cette pauvre ruine doublement ruinée… On dirait à présent l’ultime vestige d’une chapelle médiévale.

Tache rouge sur fond de givre, un pic épeiche traverse la grande allée des aulnes.

 

03/12/21

 

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