Au Fort de l’Esprit

 

La clairière à treize ans

 

Pour Pablo

 

Toi que j’ai croisé

à l’ultime détour de l’enfance

engagé déjà dans le prochain virage

toi que touchaient les pleurs du chiot égaré

la coccinelle blessée

l’attente du narrateur enfant

dans La Recherche du temps perdu

toi qui ne pouvais entendre sans trouble

le chant de la tourterelle

pour ce qu’il te rappelait

de mauvais souvenirs

toi dont la clairvoyance

la saine distance

face aux faux-semblants

me furent comme une fontaine

toi l’enfant des villes

ignorant de la nature

mais capable encore

de l’émerveillement

de la précision

du juste regard

toi que ne grisaient pas les louanges

pas dupe, non, pas dupe des rôles

en lesquels on enferme

les enfants pareils à toi —

puisses-tu garder en toi

le souvenir de l’aube d’été

puisses-tu trouver le chemin

de ta liberté

puisses-tu être heureux.

 

 

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