Au Fort de l’Esprit

 

Les nuages habitent le ciel

 

Les nuages habitent le ciel comme nos pas le sol, et nos déambulations  laissent derrière nous des sillages de poussière que nul ne remarque mais qui délimitent au sein de l’illimité  notre territoire (un film pris d’un satellite montrerait cela).

Les nuages habitent le ciel comme les corneilles qui le traversent en criant, comme la clameur des cloches, des voix, des voitures qui montent se perdre en lui (cette motocyclette qui fonce  avec un vrombissement incroyable exprime une envie de vivre cosmique).

Les nuages habitent le ciel avec une légèreté qu’on leur envie. Ils n’occultent rien mais rehaussent l’aube et  rendent visibles et palpables presque les pans de ciel restés bleus de ce bleu vertigineux qu’on boirait bien pour un peu, ou qui nous boirait.

Auréoles du soleil, les nuages habitent l’aube comme les montagnes l’horizon et dessinent avec elles le contour flou des premières flaques de clartés qui frappent le paysage puis s’épanchent comme des plaies.

Les bosquets forment des îles, les maisons sont des bateaux, le bruit de la route alors s’amplifie en un ressac, le soleil émerge et prend ses quartiers dans le Fort tandis que nos ombres dansent, Christs sans croix, silhouettes chamaniques, dessinées démesurées sur la toile de la tente.

Le soleil habite ciel et terre, partout révélant les formes, les mouvements de la vie – en la pierre, en l’arbre, en l’homme.

Dès lors tu habites aussi le Fort de l’Esprit révélé par le soleil, par tes pas, tes traces, par ces traits noirs que tu traces, tu t’espacifies, tu étires tes nuages, tu te fais clair, tu t’effaces, tu laisses place vaste.

 

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