Au Fort de l’Esprit

 

 Mahāmudrā

 

Espace, espace. Espace était mon seul réel. Sans quelques traitres regards vers le bas j’eusse pu me croire transformé en espace…

Henri Michaux, Les grandes épreuves de l’esprit.

 

Soudain la terre et le corps se mettent à trembler comme la carlingue d’un avion pris dans les secousses d’une chute ascensionnelle. C’est l’ultime montée, les derniers pitons plantés dans la falaise qui s’effondre, puis le ciel noircit, bleuit, blanchit, on atteint un dôme étincelant au-delà duquel le corps-esprit se disloque, dispersé dans le sans-repère, le sans-corps, le sans-refuge, l’espace paniquant, bienfaisant, tout puissant, l’espace partout qui pénètre, écarte, disperse, dévaste. L’expérience est instable, tout vibre. Voici cependant qu’on frôle l’indicible, sans repère et sans contrôle non plus, sans plus rien à faire : soudain, tout est accompli.

Le temps d’un dernier vertige on se rassemble et on redescend très simplement. Le corps tremble encore, comme la carlingue après l’accident. Gisent à terre l’artifice des pratiques, des décors, les murs du fort, tous les murs.

 

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