Souvenirs de scènes

 

Un rêve (2)

 

 

Je suis allongé dans ma chambre de Chambéry-le-Haut et je regarde l’heure sur l’ancien radio-réveil qui affiche, en chiffres rouges sur fond noir, deux heures du matin. Je n’arrive pas à dormir. Il y a encore long à attendre jusqu’à ce que se déclenche la cassette, bruits d’orage de « Soleil cherche futur » ou prélude de « L’oiseau devant la fenêtre » (je suis donc, à en juger par ces titres, déjà adolescent). Je me lève, quitte la chambre et constate avec étonnement qu’il y a de la lumière qui passe par la porte entrebâillée du bureau. C’est mon père qui ne dort pas, que je rejoins. Il est occupé à punaiser sur les murs de grands portraits de ma mère, pareils à des affiches de spectacles. Il y en a dans toute la pièce, et chacun représente un souvenir dont la date et le lieu sont précisés en lettres colorées. Certaines images sont floues, mal cadrées, ou étranges. Sur l’une d’elles je la vois humer une fleur blanche en regardant un nuage. Je le questionne, il se souvient et raconte.

Puis nous voici attablés dans ce qui ressemble au restaurant d’une piscine municipale, quand je vois Jean Vasca venir vers moi. Mon père n’en est pas étonné: il savait que Vasca, désormais, vit seul « ici » (à la piscine ?). J’ai peine à reconnaître son visage amaigri. Je lui dis qu’il n’est au fond pas si étonnant de se retrouver dans ces « coulisses » (c’est le mot que j’emploie) car j’y ai déjà croisé Anne Sylvestre, Jacques Bertin, Béa Tristan, Jean Guidoni, Catherine Ribeiro, etc. Il me montre les courts textes qu’il est en train d’écrire sur de très petits carnets à spirales, où il est beaucoup question de sa mère morte. Une telle évocation de sa vie intime ne me semble pas du tout dans sa manière de faire et de dire. Notre conversation s’arrête ici, interrompue par des hurlements de chats.

29/11/14

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