Souvenirs de scènes

 

Un rêve (5)

 

C’est un très long rêve qui se prolonge dans la nuit jusqu’à l’aube comme un concert interminable et qui, comme un concert aussi, ne laisse ensuite en mémoire que des bribes irracontables.

D’abord, je suis dans le hall d’une salle qui est censée être l’espace Malraux, à Chambéry, mais qui semble plus grande. Tout au bout d’un long corridor je vois arriver mon père et ma mère. Je marche dans leur direction. J’ai conscience de ne pas avoir vu ma mère depuis très longtemps et j’éprouve une grande joie. Dans le songe, je songe que viendra un jour où ce ne sera plus possible d’éprouver une telle joie, puisqu’elle sera morte. Cette pensée me met les larmes aux yeux, mais je ravale vite ma peine et j’embrasse mon père et ma mère sans effusion particulière.

Nous pénétrons à l’intérieur de cette très grande salle. Je décide avec audace de m’installer au premier rang, pendant que Josette et Victor s’installent un peu plus loin derrière. Il faut dire que c’est un peu inattendu, mais c’est à un concert d’Indochine que nous nous rendons…

J’ai avec moi une sorte de grand livre avec des images très colorées, abstraites ou figuratives, représentant différents objets, nourriture, encens, fleurs, photographiés de très près. Le concert commence rapidement avec le nom du groupe qui apparaît en grand et des haut-parleurs géants qui se déploient sur les côtés. Je ne sais pas trop si le groupe doit être vraiment présent ou si ce sera simplement la diffusion de la captation d’un concert. Il s’avère que le groupe est vraiment là. Nicola Sirkis s’avance sur la scène, les gens crient et applaudissent. Le chanteur explique qu’il a eu envie de proposer autre chose que ce qu’ils font d’habitude, une sorte ballet pictural à travers un monde onirique.

La scène se transforme en un lac gelé sur lequel sont projetées des images qui donnent une impression d’immensité inouïe. Des danseuses habillées en blanc évoluent sur la glace parmi les fleurs de lotus blancs, ce qui rétrospectivement semble très kitsch mais qui, dans le rêve, provoque l’enthousiasme des spectateurs. Défile ensuite toute une galerie de tableaux géométriques et chatoyants, tels qu’on pouvait en voir dans les comédies musicales mises en scène par Busby Berkeley (Gold Diggers of 1933 était évidemment en noir et blanc et je ne sais pas si cette référence me vient pendant le rêve ou après coup, mais c’est cette atmosphère d’émerveillement naïf devant un monde sublimé qui m’est restée – ces comédies musicales étant par ailleurs pour moi liées à des souvenirs d’extrême bien-être auprès de mes parents). L’un des tableaux représente un décor à la Hansel et Gretel, comme si l’on était à l’intérieur d’un pain d’épices, et l’on comprend que c’est l’histoire d’Alice au pays des merveilles qui est racontée. On est passé de l’autre côté du miroir…

Le lien avec Indochine réapparaît ici. Nicola Sirkis accompagne les images en chantant « Alice & June ». Tout cela ne ressemble cependant à rien de connu, et certainement pas à un concert de rock. À un certain moment le public se lève et, à l’invite du chanteur, envahit la scène et se trouve immergé dans ce décor qui reconstitue alors le Rose-Bonbon, la petite salle où le groupe a fait ses débuts en 1981. Des hologrammes reconstituent le groupe de l’époque, Sirkis chantant en duo avec son double adolescent « Dizzidence Politik ». Je chante moi-même « 3e sexe » en duo avec Christine and the Queens dans ce qui est cette fois une reconstitution du stade de Lyon.

Le rêve se prolonge, très plaisant, très réaliste, que je continue en ayant conscience qu’il s’agit d’un rêve. Je revois encore, mais très mal, les visages étonnés de mes parents, puis tout s’efface.

 

16/05/23

 

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