Souvenirs de scènes

Jean

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’éloignement et La route ordinaire terminés, je me suis lancé dans l’écriture simultanée de trois ou quatre livres : outre le projet de L’attente des images (devenu depuis Journal d’une plante carnivore) et le journal de La Vigie, Le Livre de Madère, dont je ne mettrai aucun brouillon en ligne, ces Souvenirs de scènes (y revenant quelques années plus tard je constate avec tristesse qu’ils sont restés en friche…) s’imposent de nouveau à moi et m’imposent un travail plus souterrain, une écriture de la cave plus que des combles, pour tenter d’exhumer des cendres du deuil quelques braises. Je refonds donc en une seule page morcelée, dont les éléments seront plus facilement déplaçables, les pages éparses qui apparaissaient jusqu’à cette date, 11/02/2017, sous l’onglet « Souvenirs de scènes ». (Relisant ces lignes en février 2022, je constate que le projet n’a pas beaucoup avancé, mais qu’il ne recule pas non plus et me permet quoi qu’il en soit d’accueillir les traces des derniers concerts qui m’ont marqué et font écho à ceux de mon adolescence…)

 

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Dans la tiédeur protégée de la Cave on bavarde comme autrefois, tard dans la nuit on parle de nos scènes, de nos chanteurs, et l’on égrène la liste des disparus, des oubliés, comme dans le Fin de siècle de Jean Guidoni : Je ne me souviens plus de… je ne me souviens plus de... Sais-tu qu’à mon travail personne ne connait le nom d’Higelin ? (Mort depuis.) Personne non plus ne sait qui est Jean Guidoni. Cet hiver Vasca est mort. Et celui-ci, il chante encore ? Tiens, en voilà un qui contre toute attente est revenu, revenu des morts, Orphée brûlé – seule sa voix est restée aux enfers…

Soudain s’impose l’évidence et l’horreur de ce monde déjà presque aussi douloureusement disparu que mon enfance ou les splendeurs du vieil Edo pour le Nagaï Kafû de La Sumida ; soudain s’impose la cruauté de ce titre anticipant de peu sur notre disparition : Je ne me souviens plus de Jean Guidoni – et les souvenirs remontent en pagaille, qu’on n’arrête plus, qui forment comme un ballet de Pina Bausch mené, bien sûr, par le fantôme de ma mère qui encourage la danse, qui dit que ce n’est pas grave mais qui m’appelle à la rejoindre dans son monde de fantômes.

Je ne me souviens plus de

 

11/02/17

 

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