Souvenirs de scènes

 

Le piano du lac

 

 

C’est un spectacle fragile et beau sur la beauté et la fragilité du monde. Les artistes sont embarqués sur de fragiles radeaux que le courant et un nageur font dériver sur la scène du lac. Frappe d’abord le contraste entre l’élément liquide naturel et ces instruments précieux, piano à queue, violoncelle et trombone à coulisse, qu’on craint de voir sombrer. Il suffirait que le temps se gâte, que l’improbable pluie finisse par arriver pour que le spectacle soit proprement à l’eau.

Cela commence comme une farce de science-fiction pour enfants, cela s’achève dans la joie d’une fête foraine, mais entre temps c’est fin et grave, parfois si poignant que les larmes viennent – lorsque la chanteuse Delphine Coutant, à la voix cristalline rappelant Anne Sylvestre, évoque avec pudeur et élégance le sort des pingouins et des ours blancs. La volonté de célébrer le monde l’emporte toujours, emporte le spectateur. C’est à un retour vers « la matière » qu’incitent ces textes parfaitement ciselés, que l’on peut suivre sans les connaître à l’avance parce que le son, l’écriture et l’interprétation sont limpides (il y a donc encore des gens talentueux qui savent écrire de vraies chansons, paroles et musique à même hauteur, sans nombrilisme ni afféteries d’aucune sorte).

Un tel équilibre entre la scénographie, le jeu d’acteur, la voix et les instruments, les paroles et la musique, force l’admiration. On applaudit sans réserve et on souhaite bon vent à ces belles personnes qui, le temps d’une soirée sur les berges du Lac de Détrier, nous ont arraché aux préoccupations du moment et à la torpeur d’été, chassant même de l’autre côté de la montagne le grand soleil caniculaire qui nous aveuglait.

 

Lac de Détrier, 26/07/22

 

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